La musique contemporaine: un consommable? - Musique - Discussions
Marsh Posté le 27-12-2012 à 19:18:59
potemkin a écrit : La musique des années 80, voire 90, a laissé une trace dans notre esprit. On l'écoute volontiers encore aujourd'hui, on la reprend, on s'en inspire. |
Très léger problème de calcul, non ? En prenant 15 ans comme âge de développement des goûts musicaux "persistants" (et je tape plutôt jeune, parce que bon... l'adolescence ne s'arrête pas à 15 ans), ça donne 42 ans pour quelqu'un qui avait cet âge en 1985. Pour quelqu'un qui avait 20 ans, ça donne 47 ans.
Citation : Et écoutons-nous encore parfois aujourd'hui ces mêmes hits, comme nous réécouterions volontiers un titre des Beatles, U2 ou Queen? |
U2 est un groupe des années 80, et Queen a eu autant, voire bien plus de succès dans les 80's et 90's que dans les 70's.
Ces énormes erreurs de chronologie sont signifiantes, cela dit, et pourraient déboucher sur un autre sujet : il n'y a plus de vraies ruptures de générations en matière de goûts musicaux depuis la fin des années 50 (aux USA) ou celle des années 70 (chez nous, pour cause de gros retard) et l'histoire de la musique populaire de ces 40 dernières années est devenue complètement floue parce que tout est potentiellement écoutable par un ado, donc n'est plus associé à un contexte précis.
Citation : En partant du principe que la majorité des personnes écoutant aujourd'hui de la musique n'est pas cantonnée à une période stricte et de préférence ancienne, il semble qu'il y ait beaucoup moins d'artistes qui arrivent à percer et faire l'unanimité, ou mieux, marquer leur époque. |
Tu refais le topic du vide musical, en somme ?
Edit : ton erreur dans le titre du topic est lui aussi signifiant : tu parles de "musique contemporaine" alors que ton topic ne concerne que la pop au sens large.
Marsh Posté le 27-12-2012 à 22:30:24
BoraBora a écrit : |
Les goûts musicaux commencent à se forger avant 15 ans tout de même, et quand bien même on ne parlerait pas de goûts, il s'agirait "d'environnement musical", c'est à dire ce que tu entends à longueur de journée, à la radio, sur le tourne-disque ou la chaîne de tes parents, etc.
Il s'agit là de musique que tu es conditionné à réécouter plus tard, si ce n'est par goût personnel, ce sera par nostalgie. D'ailleurs nombre de titres marquants comme je l'expliquais ne le sont pas pour leurs qualités musicales pures, mais pour ce qu'ils évoquent.
Et n'oublie pas qu'on parle ici de "tubes", et à fortiori dont le succès ne s'éteignait pas en quelques semaines par opposition au phénomène que je dénonce aujourd'hui. Un tube paraissant début 80 était plus facilement qu'aujourd'hui inscrit dans le patrimoine culturel musical si je puis dire, et traverse les années si bien que tu l'entendras et l'écouteras avec plaisir à 10, 15, 20 ou 25 ans et +.
Enfin, je prend mon cas pour exemple, puisque je suis justement de 1985. Les chansons des années 80 et 90 m'ont marquées, pourtant je n'avais pas atteint comme tu dis la mâturité de mon "développement des goûts musicaux". Un tube sorti en 1986 par exemple, n'a évidemment pas pu me marquer en tant qu'audiophile aguerri, mais si je parcours les tops de cette année, j'en connais facilement 65-70%. Soit parce que j'ai été bercé avec, parce que je les entendais passivement, ou parce que je les ai écoutés en session rattrapage. Toujours est-il que l'Aziza de Balavoine ou la Ballade de Jim de Souchon
, voire Living in America de James Brown, Russians de Sting, Walk this way de Run DMC ou encore Sledgehammer de Peter Gabriel sont des titres m'ayant marqué, et que connaissent et reconnaissent bon nombre de personnes de ma génération. C'est encore plus évident si on considère une personne de 35ans, mais inutile d'aller jusqu'à 40 ans.
BoraBora a écrit : |
Je sais ça, c'est toi qui as mal lu. J'oppose les titres contemporains (post 2000 dirons nous) à ceux d' "époque" ayant traversé les âges (80/90 comme U2, Queen, et les 60/70 avec les Beatles).
J'admets cependant une erreur qui au final ne fait qu'appuyer mon ressenti global j'ai sous estimé l'impact des années 60/70 sur nos esprits, pourtant bon nombre de gros titres de ces années sont encore dans les moeurs.
Cela renforce mon idée qu'avant, on faisait des hits qui n'ont pas perdu une ride aujourd'hui et qu'on prend plaisir à ré-écouter. Je prends un top 100 au pif, de 2005, et bien que je connaisse un grand nombre des titres, aucune émotion ne s'en dégage, aucune nostalgie.
BoraBora a écrit : |
Tout est accessible à un ado oui, cela dit il faut aller le chercher. L'ado aujourd'hui écoute ce que les potes écoutent, ce que les clips diffusent, ce que Youtube/Deezer/Spotify mettent en avant, mais il ne tombera pas par hasard sur un ABC de M. Jackson ou un Run Away de Real Mc Coy. Enfin sauf s'ils sont repris dans une pub.
BoraBora a écrit : |
Mon titre dit ce qu'il veut dire sans erreur ou sens caché possible, à savoir toute la musique (je ne parle pas de genre musical particulier?) contemporaine (au sens d'actuelle, précisant que je l'oppose aux 60/70/80/90, par déduction la contemporaine est celle des années 2000).
Marsh Posté le 28-12-2012 à 01:16:14
potemkin a écrit : Les goûts musicaux commencent à se forger avant 15 ans tout de même, et quand bien même on ne parlerait pas de goûts, il s'agirait "d'environnement musical", c'est à dire ce que tu entends à longueur de journée, à la radio, sur le tourne-disque ou la chaîne de tes parents, etc. |
Euuuuh... non. Tu fais l'erreur habituelle. Les hits "jetables" d'autrefois ayant justement été "jetés", on ne s'en souvient plus (en dehors de ceux qui étaient déjà assez âgés pour avoir grincé des dents quand ils passaient en boucle). Tandis que les hits jetables d'il y a quelques années, tu t'en souviens encore, donc tu penses que ce phénomène est propre à notre époque.
Tiens, les charts des hits US et UK en 1980 (je te fais grâce des hits français, 100 fois pires) :
US
Citation : |
3 ou 4 stars lessivées mais que leur label pousse encore pour récupérer un peu de pognon (Olivia Newton-John, Diana Ross etc.), une poignée de bêlants de radio pour ménagère (Captain & Tennille, Barbra Streisand, Christopher Cross, Billy Joel, etc.), quelques reliquats de l'époque disco (KC & Sunshine Band, Ross encore etc.), 2 ex-Beatles (dont un dont la chanson va être un hit parce qu'il aura eu la mauvaise idée de refuser un autographe à un fan psychopathe)...
Sur ces 17 mega-hits, il n'y en a que 3 que j'ai réécoutés volontairement quelques fois en 32 ans. Et pour la plupart, je ne pouvais déjà pas les saquer dès le début.
UK
Citation : "Another Brick in the Wall, Part II" – Pink Floyd (3 weeks in 1979 + 2 weeks in 1980) |
Chez les britiches, c'est encore plus drôle : il y en a pas loin d'1 sur 3 que je n'ai jamais entendue (alors que j'avais 22 ans en 1980, et que je n'écoutais que de la pop/rock/soul/reggae/etc. anglo-saxonne, avec lecture de canards spécialisés.
Citation : Enfin, je prend mon cas pour exemple, puisque je suis justement de 1985. Les chansons des années 80 et 90 m'ont marquées, pourtant je n'avais pas atteint comme tu dis la mâturité de mon "développement des goûts musicaux". Un tube sorti en 1986 par exemple, n'a évidemment pas pu me marquer en tant qu'audiophile aguerri, mais si je parcours les tops de cette année, j'en connais facilement 65-70%. Soit parce que j'ai été bercé avec, parce que je les entendais passivement, ou parce que je les ai écoutés en session rattrapage. Toujours est-il que l'Aziza de Balavoine ou la Ballade de Jim de Souchon |
Mes condoléances, mais ça confirme ce que je disais sur l'absence de ruptures générationnelles depuis les 70's. Bien sûr qu'il y a des hits qui restent. Et évidemment, leur place est de plus en plus grande proportionnellement à chaque décennie puisqu'il s'en rajoute de plus en plus. En 1975, un ado banal ne pouvait pas piocher dans la discothèque de ses parents banals, nés dans les années 30/40, pour y trouver quelque chose à son goût d'amateur de pop/rock. Ils écoutaient de la variét' française, du musette, du classique de supermarché (au mieux un peu de Presley, de Ray Charles et des chanteurs à texte, mais c'était une minorité). En 1986, la musique anglo-saxonne (ou française dérivée de) est devenue dominante, d'autant plus avec l'explosion d'MTV et du phénomène des clips. Les années 80, c'est aussi l'explosion des medias orientés "nostalgie" (radios "classic rock" aux USA etc.)
Donc oui, les hits qui "restent" sont de plus en plus nombreux, et cela empirera avec le phénomène dit de "régression" chez les jeunes qui sont ados de plus en plus tôt, le restent de plus en plus tard, et considèrent dès leurs 16 ans que "c'était mieux avant". Il y a un empilement progressif de tous les hits (ou pseudo-hits dans le cas de morceaux qui deviennent connus seulement 5, 10 ou 20 ans plus tard grâce à une pub ou un film) donc de moins en moins de place pour la nouveauté. Et il faut rajouter aussi le phénomène du stargazing qui a commencé vraiment à fonctionner en masse dans les 80's, justement parce qu'on avait une décennie de recul, donc du matériau abondant pour transformer le premier débile venu assorti d'une guitare en "légende vivante" (évidemment, avec 30 à 40 ans de recul, ce phénomène déjà ridicule en soi a pris des proportions qui font peur).
potemkin a écrit : Je sais ça, c'est toi qui as mal lu. |
Exact.
Citation : J'admets cependant une erreur qui au final ne fait qu'appuyer mon ressenti global j'ai sous estimé l'impact des années 60/70 sur nos esprits, pourtant bon nombre de gros titres de ces années sont encore dans les moeurs. |
Surtout que dans la liste de tes chansons "inoubliables" sur ton dernier topic, presque toutes étaient des 60's et 70's.
Citation : Cela renforce mon idée qu'avant, on faisait des hits qui n'ont pas perdu une ride aujourd'hui et qu'on prend plaisir à ré-écouter. Je prends un top 100 au pif, de 2005, et bien que je connaisse un grand nombre des titres, aucune émotion ne s'en dégage, aucune nostalgie. |
Peut-être aussi, en partie au moins, parce que tu appartiens à la "me generation", celle qui adore faire de la sociologie de masse à partir de son cas particulier ?
potemkin a écrit : |
Faudrait savoir : tu ne fais que dire le contraire depuis le début. Tu dis que l'on recycle sans cesse les mêmes vieilles scies des 60's/70's/80's dans les films, dans les pubs, à la radio, dans les jeux vidéo et surtout à la maison grâce à papa/maman. Et là-dessus, je suis d'accord avec toi. Quand je dis que la musique des parents (et même maintenant de certains grands-parents) est potentiellement écoutable par un ado, je parle du style musical. Il y a toujours des fractures entre classes et cultures, mais au sein d'un même famille, la transmission ne pose plus de problèmes comme ce fut le cas lors des années 50/60 (et 70 chez nous) où les genres/styles musicaux dominants chez les jeunes ont changé du tout au tout.
potemkin a écrit : |
Non, la musique dite "contemporaine" est la musique savante, en opposition à la musique populaire/commerciale. Dans ce topic, tu parles uniquement de la deuxième.
Et le terme contemporain est lié à une génération (au sens propre, c'est-à-dire une vie humaine moyenne, pas au sens marketing qui définit une nouvelle génération à chaque fois qu'elle a quelque chose à vendre avec le label miracle "génération machin-chose" pour entraîner un effet mouton). Quand on parle d'Histoire contemporaine, ou d'art contemporain, on ne désigne pas seulement ce qui s'est passé depuis 10 ou 15 ans.
Marsh Posté le 28-12-2012 à 10:46:40
Tu apportes un peu d'eau à mon vin et je vois qu'il y a de quoi apporfondir sur certaines évidences qui sont en réalité plus complexes, mais que dis-tu sur la question fondamentale: la musique de ces 10 dernières années laisse-t-elle une empreinte comme le faisait plus volontiers celle d'il y a plus de 10 ans? Ou tendons-nous vers un gloubiboulga musical, dans lequel il y a du bon, mais qui finit fatalement dans une poubelle de titres à usage unique (ou du moins limité)?
Marsh Posté le 27-12-2012 à 15:33:17
La musique des années 80, voire 90, a laissé une trace dans notre esprit. On l'écoute volontiers encore aujourd'hui, on la reprend, on s'en inspire.
Le fait que celle-ci ait bercé la jeunesse de personnes ayant atteint aujourd'hui l'âge (entre 25 et 35 ans pourrait-on dire) d'être "actifs" y est probablement pour beaucoup: créatifs et musiciens qui s'en inspirent, commerciaux qui la (re)vendent, fêtards qui en font des thèmes de soirées, ou simples consommateurs nostalgiques.
Avant les années 80, il y a bien sûr eu de grands noms et grands titres qui sont loin d'être tombés dans l'oubli, mais peut-être sont-ils moins plébiscités du fait de l'âge plus avancé des fans de l'époque (45 ans et +), qui sont souvent moins impliqués dans la diffusion et l'utilisation de leur goûts musicaux.
L'essor d'Internet y est pour beaucoup aussi, puisque les cerveaux adolescents qui ont grandi avec le développement de la toile et des réseaux de diffusion/partage (et disons le aussi, piratage) sont parmi les premiers a avoir été formés aux technologies d'aujourd'hui et qui "contrôlent" en quelque sorte ce qui est diffusé.
Sur Internet principalement, car les dirigeants des médias télévisés font encore partie de l'ancienne génération, et se contentent de s'inspirer des tendances pour faire de l'audience. Cela a au moins le mérite d'homogénéiser les moyens de diffusion de cette musique restée populaire. Les années 60/70 bien qu'encore présentes restent en retrait, pour la simple et bonne raison que les contemporains ne sont pas spécialement à l'aise avec l'outil informatique.
Voilà selon moi ce qui explique à peu près la fracture entre la musique tombant en désuétude et celle qui, bien qu'ancienne, survit. La qualité intrinsèque de la musique n'est à mon avis pas à prendre en compte, pour la simple raison qu'il existe des titres majeurs et incontestés à chaque génération. Pire, beaucoup de titres des années 80/90 résonnent encore dans certains esprits alors qu'en y réfléchissant, ils sont musicalement parlant très pauvres. Un simple concours de circonstance entre la période à laquelle on écoute un titre et la façon dont il nous marquera.
Qu'en est-il aujourd'hui? Le phénomène persiste-t-il?
Je n'en ai pas l'impression. En partant du principe que la majorité des personnes écoutant aujourd'hui de la musique n'est pas cantonnée à une période stricte et de préférence ancienne, il semble qu'il y ait beaucoup moins d'artistes qui arrivent à percer et faire l'unanimité, ou mieux, marquer leur époque.
Des groupes ou titres populaires, cela ne manque pas évidemment ; mais pendant combien de temps ces chansons sont-elles écoutées en moyenne? Quel titre du début des années 2000 pouvant être considéré comme un hit pouvons-nous aisément citer? Et écoutons-nous encore parfois aujourd'hui ces mêmes hits, comme nous réécouterions volontiers un titre des Beatles, U2 ou Queen?
Est-ce la faute à trop de production? Il est en effet devenu facile de se revendiquer musicien, et de produire quelque chose qui sera diffusé. Trop de choix, trop de facilité peuvent expliquer une partie du phénomène, mais ne le justifient pas. Les oeuvres majeures sont et ont toujours été plébiscitées par leur succès, le bouche à oreille, voire aujourd'hui le nombre de vues/écoutes sur tel ou tel site de streaming.
Les bons titres arrivent toujours à émerger (pas tous hélàs), mais même s'ils connaissent un succès mondial, ils semblent s'éteindre quelques semaines ou mois plus tard.
Toujours plus de mémoire sur nos baladeurs, plus de titres dans nos bibliothèques audio, se noieraient-ils dans la masse de la (sur-)production qui pousse inéxorablement tout bon titre vers la porte de sortie, afin d'engranger des recettes avec de la "nouvelle nouveauté"?
Les styles ont évolué, mais la qualité est toujours présente, cela est indéniable. Malgré cela, je n'ose moi-même plus rester trop longtemps sur l'écoute du dernier album m'ayant plu, de peur d'en rater une dizaine fraîchement sortis et déjà bientôt disparus du devant de la scène numérique.
Et vous, qu'en pensez-vous? Vue de l'esprit ou réalité?