Ecriture d'un roman d'heroic fantasy - Arts & Lecture - Discussions
Marsh Posté le 01-02-2004 à 15:27:43
Il y a un topic medfan, HF et S&S. Les habitués seront ravis de te lire je pense.
http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] 0&subcat=0
Marsh Posté le 01-02-2004 à 15:30:24
Merci pour cette rapide réponse.
J'avais effectivement remarqué ce sujet, mais j'aurais un peu l'impression d'être hors-sujet en postant dessus, non ?
Si je ne me trompe pas, ce post parlait des différentes lectures qu'on a appréciées dans le domaine de l'heroic fantasy.
Marsh Posté le 01-02-2004 à 15:32:05
Citation : Je souhaitais savoir s'il m'était possible de mettre quelques passages ici et de savoir ce que vous en pensez. |
ça serait sympa oui.
Marsh Posté le 01-02-2004 à 15:38:19
Correction de l'introduction au 4 août 2004
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Prologue
Ce n'était pas une ville, à peine un bourg, quelques maisons au milieu de nulle part. Sa seule défense consistait en quelques pieux acérés disposés en rond autour de ses habitations; assez pour éloigner les loups, mais une bien maigre protection contre un groupe de cavaliers.
La silhouette sur son étalon contemplait avec raideur la fumée d'une dizaine de cheminées qui s'élevait avec paresse, droite dans l'air glacial de ce début de matinée. Ses habits étaient blancs pour se fondre dans le paysage neigeux, mais ses yeux noirs brûlaient avec ferveur dans son visage émacié. Il décroisa ses mains du pommeau de la selle. Les chevaux derrière lui soufflèrent doucement en secouant leur mors.
Ils étaient vingt sur cette colline. Vingt hommes aguerris, au visage sombre et à l'expression fermée. Ils portaient tous plusieurs manteaux de peau de bête qui leur donnaient une épaisseur comique, mais il n'y avait rien de drôle dans leur regard. Les souffles givraient dans les barbes et sur les visages alors qu'ils portaient la main à leur épée.
L'un d'eux fit avancer sa monture de quelques pas pour se retrouver à la même hauteur que son seigneur. La neige crissait doucement sous les sabots de sa jument.
"L'aube arrive. Que fait-on ?"
"Allez-y, Smetash. Mettez le feu aux cabanes, et tuez-les tous."
Le seigneur avait une voix douce, le frottement du velours contre le métal. Aucune expression ne transparaissait alors qu'il levait sa main en visière contre les premiers rayons du soleil et vérifiait de nouveau que rien ne bougeait en contrebas.
Smetash resta un instant immobile. Malgré les apparences, il était encore jeune. Son visage glabre souffrait particulièrement du froid, et il avait remonté le col de son manteau jusqu'à ne plus laisser entrevoir que ses yeux.
"Vous voulez dire
les femmes et les enfants aussi ?"
Quelques rires éclatèrent derrière lui et il rougit furieusement. Cela ne faisait que deux semaines qu'il était monté dans le nord et il s'était promis de ne pas se faire remarquer. Pourquoi avait-il posé cette question ?
Le seigneur fit volter son cheval jusqu'à se trouver presque nez à nez avec le jeune homme.
"Je veux dire: particulièrement les femmes et les enfants."
"On peut se débrouiller sans toi si tu ne t'en sens pas capable" grogna un cavalier.
Les ricanements redoublèrent. Smetash serra les rênes jusqu'à ce que ses mains le brûlent.
"Je demandais juste pour être sûr, c'est tout. Pour être sûr."
Le seigneur se détourna comme s'il n'avait jamais douté de la réponse. Un signe de sa main et les torches furent allumées. Un autre et le petit groupe se lança au trot en direction du village. Alors qu'ils se trouvaient à quelques encablures de la palissade, un cri résonna dans l'air brumeux, puis une trompe se mit à sonner. Trop tard, semblait dire son chant grave et lancinant. Les chevaux passèrent au galop et parcoururent les dernières encâblures en quelques foulées. La neige explosa en poudre sous les sabots haineux.
Puis les soldats pénétrèrent dans le village.
Smetash eut à peine le temps de jeter sa torche sur un toit de mauvaise paille et de tirer son épée que déjà la bataille commençait. Les barbares s'étaient fait réveiller en sursaut, mais ils commençaient à s'organiser. L'incrédulité se le disputait à la fureur sur leur visage peinturluré alors qu'ils sortaient un à un des cahutes en flammes.
"Pour Bertholdton !" hurla Smetash en abattant sa lame sur le dos non protégé de l'un d'entre eux.
La lame déchira les muscles et s'enfonça de plusieurs pouces le long de la colonne vertébrale. Smetash dégagea son épée d'un mouvement circulaire. Le barbare poussa un cri rauque avant de plier les genoux et de tomber de côté. Smetash poussa un cri d'exultation. Il sentait le sang lui battre les tempes. Sa salive avait un goût de métal. Fébrilement, il chercha un nouvel adversaire.
Un homme avançait vers lui, nu sous le froid mordant. Il n'avait pas pris la peine de s'habiller mais une lourde hache à double tranchants reposait dans ses mains et son regard était furieux. Il se jeta sur le jeune soldat dans un bond puissant. La hache siffla, et des étincelles jaillirent alors que les deux armes se rencontrèrent. Smetash grogna sous la force de l'impact. Il fit reculer son cheval d'une pression sur les rênes puis revint lui-même à l'assaut. Son coup d'estoc fit reculer le barbare mais le manqua d'un cheveu. Il se remit en position juste à temps pour recevoir sur la garde de son épée l'attaque qui aurait dû lui trancher la jambe. La violence du coup le déséquilibra une seconde, et son adversaire en profita pour avancer sa main et lui saisir le pied. D'un geste ample, l'homme lui fit vider les étriers.
Smetash heurta le sol avec un grognement de douleur. Il roula instinctivement de côté puis se releva, les jambes flageolantes. Tout d'un coup, cela ne semblait plus aussi drôle. Secouant la tête pour s'éclaircir l'esprit, il se remit en garde au moment où la hache s'abattait sur son crâne. Il dévia le fer de justesse. Sa main tremblait.
Un rapide regard circulaire lui apprit qu'il n'y avait pas d'aide à attendre autour de lui. Ses compagnons se battaient mieux que lui et tous étaient encore en selle, mais il semblait bien qu'ils avaient sous-estimé le nombre de combattants que ce village pouvait contenir. A moins qu'ils ne soient tombés dans une embuscade, raisonna Smetash. Mais dans ce cas, les barbares auraient probablement été mieux organisés pour les repousser. Non, cela devait être une coïncidence. De toute façon, ces fichus gars du nord se reproduisaient comme des lapins.
"Je vais te saigner !" siffla-t-il entre deux halètements. "Je vais te trancher ta sale petite tête. Qu'est-ce que tu dis de ça, hein ?"
Le barbare ne répondit pas. Il économisait son souffle, le regard concentré. L'homme leva sa hache
puis l'abaissa soudain. Une expression d'incrédulité envahit ses traits. Il ouvrit la bouche pour parler, la referma et s'effondra comme une masse.
Derrière lui, le seigneur dégagea son épée d'un mouvement souple. Il avait mis pied à terre et ses habits blancs étaient totalement couverts de sang. Pourtant, il ne semblait pas arborer la moindre blessure.
"Merci.." balbutia Smetash.
Il ne parvenait pas à déterminer quelle émotion prédominait, le soulagement ou la honte. Son bras l'élançait et son cur battait trop rapidement à son goût. Il prit une grande inspiration, tâchant de se calmer. Le sang continuait de battre à ses tempes; c'en était presque douloureux.
Autour de lui, le combat était presque terminé. Les corps des barbares jonchaient le sol et la neige se repaissait de leur sang fumant. Une odeur de mort et d'excrément collait au village. Les maisons brûlaient joyeusement et la chaleur des flammes s'enroulait autour des bourrasques glaciales en un scintillement de lumière. Les femmes sortaient en criant de leurs demeures, tenant le plus souvent un ou plusieurs enfants dans les bras. Elles hurlaient comme des possédées. Certaines s'effondraient sur le corps de celui qui avait été leur mari. D'autres tentaient de fuir, mais les cavaliers étaient bien plus rapides. Le sol n'était plus qu'un bourbier carmin. Smetash déglutit.
"On a gagné ?" balbutia-t-il.
Le Seigneur hocha la tête. Même au plus fort du combat, il avait gardé une expression d'ennui profond.
"Evidemment. Bien, il est temps de rentrer. Retrouve ton cheval, et
"
"Attention !" hurla Smetash.
Il faisait face à la maison en flammes, et pourtant il ne vit sortir les barbares qu'au dernier moment tellement ils s'étaient fondus dans l'épaisse fumée qui envahissait le village. Ils étaient quatre et avaient bien pris le temps de boucler leur armure. Ils portaient la cotte d'écailles typique de leur clan, ainsi que le casque à cornes qui les définissait si bien. Ils tenaient leur hache dans les deux mains à la manière des terribles baresarks. Leurs yeux étaient révulsés.
Le seigneur pivota sur lui-même avec la grâce d'une ballerine et interposa son épée. Le premier guerrier écarquilla les yeux de surprise en constatant que malgré toute sa force il ne parvenait pas à faire bouger le fer de son adversaire ; il conserva cette expression stupéfaite lorsque la lame de son ennemi se dégagea et vint lui perforer la gorge. Le seigneur recula d'un pas. Parfaitement en équilibre, il esquiva un coup de hache et envoya son coude dans la figure de son ennemi. Le nez de l'homme craqua sous l'impact . Il hurla de douleur. Puis son cri se noya dans le sang et il tomba, le cur perforé. Les deux autres se bousculèrent pour profiter du court moment où leur ennemi dégagerait sa lame. Déjouant leurs attentes, le seigneur lâcha son épée. Il était beaucoup trop rapide pour le lent mouvement de la hache et rentra dans la garde du troisième barbare sans sembler accomplir le moindre effort. D'un geste fluide, il porta un coup de paume au menton de l'homme puis le frappa de la pointe du pied aux parties génitales. Smetash n'était que spectateur, mais il poussa pourtant un gémissement sourd en imaginant les dégâts.
Le dernier resta les bras ballants. Il recula même d'un pas lorsque le seigneur récupéra son épée en souriant tendrement. Mais c'était un brave, ou un crétin. Il se jeta en avant dans une vaillante tentative et ses imprécations se perdirent dans un gargouillis de sang lorsque l'épée glissa sous une écaille pour le transpercer de part en part. Il glissa au sol. Ses yeux refusaient de quitter ceux de son assassin.
"N'gash Naal
" murmura-t-il.
Le seigneur retira son épée et l'homme mourut sans plus de difficulté. Le combat n'avait pas duré plus de dix battements de cur. Smetash referma lentement la bouche qu'il avait gardée ouverte.
"Vous les avez
"
"Ces barbares ont tout de même une langue fascinante" observa le seigneur. Il ne paraissait même pas essoufflé. "Que crois-tu qu'il ait voulu me dire par N'gash quelque chose ?"
"Je
ne sais pas" balbutia Smetash.
"Non, évidemment. Tu ne sais pas. Bien, comme je le disais avant d'être interrompu, essaie de retrouver ton cheval. Il a dû fuir ce brasier, tu devrais le retrouver non loin de la ville." Le Seigneur jeta un regard autour de lui. Tous ses hommes avaient déjà fui l'endroit. "Rejoins les autres. Nous n'avons plus rien à faire ici."
Smetash hocha la tête, muet. Il s'échappa de la fournaise avant que les premières planches ne s'effondrent et commença à tituber dans la neige épaisse. Le Seigneur avait vu juste. Son cheval n'était pas loin, la robe vaguement roussie mais l'air en parfaite santé. Comme dans un rêve, il mit le pied à l'étrier et sauta en selle pour rejoindre les autres.
Le petit groupe observa le village se consumer dans un silence religieux. Une trentaine de barbares avaient péri là bas, avec toute leur famille. C'était un magnifique bûcher funéraire. Une grande victoire. Pourtant, Smetash ne pouvait s'empêcher de sentir une certaine gêne.
"Est-ce qu'on avait vraiment besoin de faire ça ?" murmura-t-il. "De tuer tout le monde et d'incendier leur maison, je veux dire. Leurs femmes et leurs enfants n'avaient rien à voir ici."
Le compagnon à qui il parlait haussa vaguement les épaules.
"Tu t'y habitueras. On s'habitue à tout, dans cet enfer. Il suffit de penser qu'ils ne sont pas humains, si ça peut t'aider. Ce sont des barbares."
Smetash hocha lentement la tête. Pour sa part, il savait qu'il dormirait mal cette nuit.
Il jeta un il vers celui qu'ils suivaient tous. Rien qu'un homme, et pourtant tellement plus à la fois. Maintenant, légèrement en avant sur son étalon, le seigneur contemplait pensivement les flammes qui dévoraient le village. Peut-être éprouvait-il du regret ? Des scrupules ? Qui pouvait le savoir ? Pour un instant, rien qu'un, Smetash désira pouvoir lire dans son esprit.
Il aurait été très surpris de ce qu'il y aurait trouvé. Se grattant le menton d'un doigt rugueux, le seigneur avait déjà banni de son esprit le massacre qu'il venait d'organiser. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus de cauchemars. Plus ce genre-là, en tout cas.
Non, il pensait à sa fille, probablement la seule personne qui ait jamais compté pour lui. Il espérait que l'Empereur tiendrait sa promesse, et qu'elle aurait une meilleure vie que celle qu'il menait lui-même. Qu'elle deviendrait une baronne, une duchesse, quelque chose de bien. Elle le méritait, sa petite gamine.
"Rentrons !" fit-il brutalement.
La fumée lui piquait les yeux.
Marsh Posté le 02-02-2004 à 18:07:50
Correction au 4 août 2004
CHAPITRE UN
Les deux lames s'entrechoquèrent avec un bruit aigü et Malek recula, baissant instinctivement son bras sous la pression. Il faisait froid dans le patio, pourtant la sueur perlait sur son visage.
"Cette fois
"
Il n'eut pas le temps de terminer. L'épée visait ses jambes. Sa poitrine. Son bras. Avec l'énergie du désespoir, il para une botte qui l'aurait touché à l'épaule puis tourna sur lui-même pour éviter un coup de pointe au plexus. Dans cette position, il pouvait reprendre l'initiative, il pouvait
La lame se posa sur sa gorge, chatouillant son menton.
"Cette fois
quoi ?" sourit Deria.
"J'ai
perdu."
Ils se battaient dans la plus grande cour de l'Académie, la seule qui ne soit pas encombrée par les quintaines et les mannequins d'entraînement. Le feuillage des érables plantés à intervalle régulier filtrait doucement le soleil, et une brise glaciale traversait la cour. Théoriquement, on était au début du printemps mais l'air charriait encore des promesses de neige. Dans la foule, quelqu'un éternua, brisant le silence irréel. Les encouragements qui fusaient de toute part voici quelques secondes à peine s'étaient tus, et on n'entendait plus que le vent dans les feuilles d'érable. L'assistance retenait un souffle collectif. Ca et là, une botte raclait le sol pavé. Les statues des six Dieux observaient le désastre avec un détachement de marbre.
Dans son coin, Shareen serra doucement son balai contre elle pour masquer son désarroi. Comment Malek avait-il pu perdre ? Il était la première lame de l'Académie, le garçon le plus habile qu'elle ait jamais vu à l'entraînement. Rapide, souple, bien entraîné, il avait un don naturel. Affectée comme elle l'était au nettoyage de la cour, la jeune servante avait pu assister à nombre de ses duels. Aucun ne s'était prolongé plus de quelques battements de cur. Il était même capable de pousser dans leurs derniers retranchements quelques-uns des professeurs.
Et voilà qu'il se faisait vaincre par cette nouvelle venue, cette Deria bien trop belle pour être honnête, dont le sourire n'avait pas vacillé une seconde. Shareen sentit son cur se serrer. Il avait l'air tellement désorienté, comme s'il ne parvenait pas à réaliser ce qui venait de se passer. Le silence pesant prouvait qu'il n'était pas le seul.
Deria recula sa lame, puis la rengaina d'un geste souple.
"Tu t'es bien battu, pour un garçon des villes. Pendant un moment, j'ai cru que tu me mettrais en difficulté. Si tous les élèves sont comme toi, je vais bien m'amuser, ici"
Malek siffla entre ses dents, un son long et bas, un cobra découvrant ses crochets.
"Je suis la meilleure lame."
"Oh ? Déesse du destin, je sens déjà l'ennui me gagner."
Il la foudroya du regard. Il était très doué pour ça; ses yeux bleu-vert devenaient des puits insondables dans lesquels la lumière refusait de se réfléchir. Beaucoup flanchaient devant ce regard. Deria se contenta de lui tapoter la joue affectueusement.
"Sur ce, il va falloir que j'installe mes affaires. C'était gentil de me proposer ce duel dès mon arrivée, mais je n'ai pas encore eu le temps de tout déballer. Nous nous reverrons peut-être dans les couloirs ?"
Malek tourna les talons et fendit la foule sans répondre. Une goutte de sang perlait à sa lèvre, là où il venait de se mordre férocement. Les autres élèves s'écartèrent de son chemin avec précipitation. Shareen sentit le vent de sa course alors qu'il glissait près d'elle et disparaissait dans la tour inférieure.
Comme si son départ avait brisé un sort, le silence éclata en un brouhaha de conversations privées. C'était à qui commenterait l'événement le premier. Tout le monde voulait parler avec la nouvelle élève, la voir, la toucher. Surtout la toucher, visiblement. Ce n'était pas étonnant. Avec ses longs cheveux blonds, ses yeux profonds, ses traits fins mais volontaires, ses formes athlétiques, la jeune femme attirait les regards concupiscents.
"Comment as-tu fait ?"
"C'était incroyable !"
"Il avait bien besoin d'une leçon !"
"Il se prend pour le centre du monde !"
Shareen grinçait des dents en saisissant ces bribes de conversation. Malek n'était pas comme ça. Ils étaient jaloux, voilà tout. Non, il était lumineux, joyeux, merveilleux, et tellement de mots en -eux qu'elle ne connaissait pas encore mais pouvait imaginer. Boudeuse, elle posa le balai et trempa son éponge dans le seau d'eau. Maintenant qu'il s'était fait humilier ainsi, il serait de mauvaise humeur pour plusieurs jours. Il ne prendrait même plus la peine de lui sourire en passant comme il le faisait parfois. C'était le seul à prendre parfois le temps de discuter avec elle.
"Très bien, très bien ! La pause est terminée !"
La voix autoritaire trancha dans les conversations avec la brutalité d'un espadon. S'iah Semos, le grand maître de l'Académie, venait de sortir de sa tour. Les bras croisés, il n'avait pas l'air content.
C'était un personnage impressionnant, à la réputation légendaire. A trente ans, il avait déjà mené cent vingt-trois duels avec les meilleurs épéistes du royaume. Le fait qu'il fût encore en vie en disait long sur ses talents. Les cheveux noirs et courts, le nez aquilin, les yeux gris acier, il prétendait être parvenu à ce poste prestigieux à la force du poignet. On murmurait cependant que sa noble naissance avait dû aider.
"Vous aurez tout le temps de parler à votre nouveau compagnon durant la soirée. Pour l'heure, vous avez des leçons à suivre et votre histoire à réviser. Rejoignez vos pupitres dans le calme. Quant à vous, jeune fille, je vois que vous vous êtes déjà présentée. Vous feriez mieux de passer moins de temps à vous battre et plus à vous installer. Nos serviteurs sont occupés, et vos malles ne se monteront pas toutes seules."
Deria s'inclina en une révérence exagérée. Ses yeux brillaient de malice.
"Maître Semos, n'est-ce pas ? Mon père m'a parlé de vous. Ce serait un plaisir de m'entraîner avec vous."
"Un jour, certainement. J'espère que ce séjour à l'Académie vous sera profitable. Je suis sûr que vous bénéficierez des leçons d'étiquette que nous dispensons. Bien ! Installez-vous confortablement, nous nous reverrons au repas du soir."
Le visage de Deria se crispa un instant, mais Semos rentrait déjà dans ses appartements.
Les élèves se dispersaient rapidement, jetant de furtifs regards en arrière vers cet te étrange nouvelle venue. Bientôt, il n'y eut plus que deux personnes dans la cour: Deria, qui dénouait le lacet de son armure et Shareen, qui astiquait les pavés du coin supérieur.
D'un pas traînant, la jeune noble s'approcha.
"Sacré caractère, ce Malek, eh ?" sourit-elle.
Shareen garda les yeux soigneusement baissés, comme il convenait à une servante. La question la mettait dans l'embarras. Si elle ne répondait pas, la nouvelle venue se fâcherait certainement. Et si elle acquiescait
"C'était un magnifique combat, ma Dame" tenta-t-elle finalement.
"Oui, hein ? Il sait se battre. Pendant un moment, j'ai cru qu'il me prendrait en défaut"
"C'est la meilleure lame de l'Académie !"
"Ca explique beaucoup de choses. Tu ne m'as pas répondu, au fait. N'esquive pas mes questions comme ça. Il est toujours aussi agressif ?"
"Il n'aime pas perdre, ma Dame." Shareen se redressa fièrement. "Il n'a jamais perdu sauf contre vous, maintenant" ajouta-t-elle misérablement.
"Il y a un début à tout. C'est comme le tutoiement. A partir de ce mot, je compte sur toi pour me tutoyer, c'est compris ? Et plus de ma Dame, ça me fait sentir atrocement vieille."
"Vous
"
"C'est compris ?"
Shareen hocha la tête, incapable de rassembler ses pensées. Elle avait vaguement l'impression de transgresser toutes les lois qu'elle connaissait.
"On va prendre ça pour un oui. Dis-moi, tu es toujours aussi timide ? Pas étonnant que tu n'aies jamais réussi à séduire ce Malek. Il te plaît, n'est-ce pas ?"
"Pardon ?" Le balai tomba des mains de Shareen sans que la jeune servante y prenne garde. Il y eut un floc moite alors que l'éponge suivait le même chemin.
"Oh, ne fais pas ces yeux là. C'est évident qu'il te plaît. Tout le monde me regardait. Tout le monde voulait que je rabatte son orgueil, que je l'humilie. Mais pas toi; tu avais l'air désespérée lorsqu'il a perdu, et plus encore lorsqu'il est parti. ."
"Ma dame
"
"Tcht ! Pas de ma Dame, j'ai dit. Et ça ne sert à rien de protester, je vois ce que je vois. " Deria éclata d'un rire joyeux et sincère. "Ce combat était tellement ennuyeux que j'avais du temps pour regarder autour de moi."
"Il a failli gagner !" protesta Shareen, avant de porter ses mains à sa bouche, terrifiée. Mais Deria se contenta de rire plus fort.
"Tu vois, qu'est-ce que je disais ? Tu es tout amoureuse, c'est vraiment mignon. Le jeune noble et la servante, un amour contrarié. J'aime ça !" Elle se redressa de toute sa taille. "Bon, je vais m'occuper de toi. La timidité, ça ne te va pas du tout. A partir de maintenant, tu rentres à mon service. Au lieu de nettoyer la cour, c'est ma chambre que tu nettoieras. Je n'ai jamais été capable de faire un lit correctement. Et en échange, nous trouverons un moyen de le faire s'intéresser à toi. Tu verras, c'est facile, une fois que tu sais comment faire. C'est une simple chasse, il y a des pièges élémentaires. Je t'apprendrai tout ça. D'accord ?" Elle fit une pause. "Au fait, comment t'appelles-tu ?"
La jeune servante perdait pied. Parler avec Deria, c'était affronter une avalanche à mains nues, en plein orage et sur une plaque de glace.
"Je
Shareen. Vous voulez dire
"
"Je suis quelqu'un de très gentille, mais je n'aime pas me répéter. Tutoiement, Shareen, tutoiement. Au prochain vouvoiement, c'est moi qui séduis ce Malek, c'est compris ?"
"C'est
compris."
Deria tendit joyeusement sa main.
"Alors c'est dit. Je vais demander à ce brave Semos de te mettre à mon service. Ca te va ?"
Shareen ouvrit puis referma la bouche deux fois de suite. Ses pensées tourbillonnaient à toute vitesse, sans qu'elle parvienne à déterminer une réponse appropriée. Elle ne devait pas désobéir, mais ne devait pas non plus tutoyer les nobles, ou leur serrer la main, ou leur montrer autre chose que déférence et respect. Que faire ?
Lentement, très lentement, elle avança sa main. Leurs doigts se touchèrent.
"Ca
me va" murmura-t-elle.
"Parfait ! Nous allons avoir du temps pour discuter dans les semaines à venir. Mais en attendant, je suis contente d'avoir une servante, mes malles sont lourdes. Je vais te montrer où elles vont."
Ce fut ainsi que Shareen rencontra Deria.
Les jours se rallongeaient régulièrement, et le printemps remplaça totalement l'hiver. Puis ce fut l'été et sa douceur septentrionale. Puis l'automne; les érables perdaient toutes leurs feuilles.
Accoudé au balcon de la chambre de Deria, Shareen regardait le soleil se coucher, les yeux rêveurs. De sa position, elle pouvait embrasser du regard les différents patios de l'Académie et, plus loin, Musheim tout entière. La capitale de l'Empire resplendissait dans la lumière vacillante, les toits de tuile rouge luisant d'un éclat rubis. Le Verdoyant coulait paisiblement au milieu de la ville et les rayons venaient s'y réverbérer en une symphonie moirée. Ses rives bordées de saules s'étendaient jusqu'à l'horizon. Ici, ce n'était qu'un cours d'eau obéissant et maîtrisé mais, à d'autres endroits, c'était un fleuve puissant et divin dont les récoltes de centaines de villages dépendaient.
Shareen laissa la brise automnale lui caresser les cheveux. Elle avait encore du mal à réaliser son changement de statut. Travailler pour Deria était facile ; la jeune noble n'était pas vraiment exigeante sur le chapitre de la propreté. Tout juste demandait-elle que son lit soit fait et son armure polie. Le reste du temps, Shareen était libre de son temps. Finalement, Deria n'avait pas tellement besoin d'un serviteur, mais plus d'une oreille attentive. Elle adorait parler et Shareen faisait un excellent auditoire. Une certaine complicité naissait de cet état de fait, même si, admettait la jeune fille avec une pointe d'aigreur, on ne pouvait imaginer personnes plus dissemblables.
Deria de FroidVal était grande et mince. Elle avait les yeux bleu-vert, les cheveux blonds légèrement bouclés autour d'un visage fin et régulier. Les garçons se retournaient lorsqu'elle marchait dans le patio de l'Académie, et ils étaient nombreux à ricaner lorsqu'elle dégrafait son pourpoint pour les leçons d'escrime. Les applaudissements crépitaient à chaque touche autant dire qu'ils ne faiblissaient jamais, car Deria était de loin la meilleure lame de l'école. C'était aussi une fille vive d'esprit, douée pour les langues et assidue dans ses leçons. Elle aurait pu devenir le centre de l'attention générale. Mais son mépris évident pour les hommes en général rendait les choses plus compliquées.
Shareen de rien du tout n'était ni très grande, ni très mince. Ses yeux n'étaient pas bleus - mais bruns. Ses cheveux n'étaient pas blonds - mais bruns. A vrai dire, tout en elle était brun, de la livrée qu'elle devait porter jusqu'à sa peau tannée par le soleil. Et elle avait des petits seins, et un trop gros nez. Dans ses jours de déprime, Shareen se voyait comme un arbre à la dérive, sec et sans feuillage, désespérément marron, ennuyeux et banal. Et pourtant, elle ne méprisait absolument pas les hommes, elle. Si seulement ses seins voulaient bien se décider à pousser
Peut-être leur double isolement contribua-t-il à les rapprocher ? Ou peut-être était-ce simplement le hasard de la rencontre du premier jour. Ou l'amusement de Deria devant l'amour impossible de la jeune servante. Quelle qu'en fût la raison, ces jours étaient doux pour Shareen.
A l'horizon, le soleil venait de se coucher totalement. Etouffant un baillement, la jeune fille s'écarta de la fenêtre. Deria lisait sur son lit, et elle n'aimait pas être interrompue dans ces moments là. La servante se glissa donc silencieusement en dehors de la pièce. Si elle se dépêchait, il resterait probablement à manger en cuisine. Quelques morceaux de lard, une tranche de pain, et les premiers raisins de saison. Ce serait
"Deria est là ?"
De saisissement, Shareen manqua percuter la porte qu'elle cherchait à franchir. Elle étouffa un juron en reprenant son équilibre et baissa aussitôt les yeux, honteuse. Cette voix ne pouvait appartenir qu'à une personne.
"Seigneur Malek ?"
"Appelle-moi Malek, je sais que ta maîtresse te laisse la tutoyer. Je ne peux pas faire moins." Il lui dédia un sourire complice en se coulant contre le mur. Depuis que Shareen était au service de Deria, il la remarquait plus souvent, lui parlait plus souvent. Malheureusement, elle ne savait que trop la raison de ce brusque intérêt.
"Tu as entendu Deria parler de moi ? Elle pense à moi ? Elle a des sentiments pour moi, n'est-ce pas ? La dernière fois que nous nous sommes battus, elle n'arrêtait pas de me sourire."
Shareen n'avait pas le cur de lui répondre la vérité. Deria aimait se battre, et c'était au danger qu'elle souriait, pas à lui. Plusieurs fois, la servante avait abordé le sujet avec sa maîtresse, mais celle-ci se contentait de rire et d'écarter la suggestion d'un revers de main.
"Les garçons m'ennuient, ils sont trop jeunes, trop excités. Et puis c'est toi qui l'aime. Je t'ai dit qu'il t'embrassera un jour, Shareen. Il faut le temps. C'est un têtu. Mais fais-moi confiance, ça viendra."
La servante avait beau secouer la tête, Deria n'en démordait pas. Et donc Malek continuait à poser ses questions, Shareen continuait à inventer des réponses vaguement satisfaisantes, et tentait d'apprécier les moments qu'elle passait avec lui, tout en sachant qu'il n'était qu'un intermédiaire. C'était étrangement agréable, et pourtant si douloureux.
"Si vous voulez qu'elle pense à vous, pourquoi ne lui dites-vous pas que vous l'aimez ?"
Malek grinça des dents.
"Moi, l'aimer ? Tu plaisantes ! Je ne l'aime pas. C'est une tête de pioche, une abrutie sans sentiments. La seule chose qu'elle sait faire, c'est se battre. Et lire, et écrire, et
oh, tu crois que je devrais ?"
Shareen déglutit. Elle ne savait que trop bien la réponse qu'il obtiendrait.
"Je ne sais pas si c'est une bonne idée
"
"Une bonne idée de quoi ?" fit joyeusement Deria. Habillée de pied en cap, l'épée en bandoulière, elle referma la porte derrière lui en sifflotant. "Tu peux aller te coucher, Shareen. Je n'aurai plus besoin de toi ce soir. Tiens, bonjour Malek. Un plaisir de voir un épéiste aussi douée par ici. A toi seul, tu sauves la réputation de l'Académie." Elle porta deux doigts à son front en guise de salut. "Bon, je vous laisse, je vais me promener un peu en ville."
Malek ne retrouva l'usage de la parole qu'une fois Deria engagée dans les escaliers. Sa bouche s'agitait furieusement sans qu'aucun son n'en sorte. Lorsqu'il parvint enfin à parler, sa voix était haletante.
"Qu'est-ce qu'elle va faire ? Pourquoi est-ce qu'elle sort ? Je voulais lui parler !"
Shareen haussa les épaules.
"Je ne sais pas. Elle ne me raconte pas tout. Elle le fait assez souvent, elle a probablement besoin de passer un peu de temps seul."
"Et si elle voyait un garçon ? Tu y as pensé, à ça ?"
"Oh" fit Malek.
Le ciel était clair, ce soir, et la lune brillait particulièrement, éclairant de sa pâle lumière les rues tortueuses de Musheim. En contrebas, une silhouette de haute taille frottait frénétiquement la manche de sa veste mais la tache ne cessait que s'étendre, maculant de pourpre le tissu de brocard.
"Ca ne part pas !" hurla-t-il, hystérique. L'eau glaciale du puits coulait entre ses doigts alors qu'il tentait de nouveau de se débarasser du sang. "Une tunique toute neuve, non !"
"C'est la seule chose à laquelle tu penses ? Tu te rends compte de ce qu'on a fait ? On a assassiné quelqu'un !"
La silhouette se retourna, éclaboussant ses compagnons d'un grand mouvement de mains.
"On ne l'a pas assassinée ! Un assassinat, c'est prémédité. Et même si c'était le cas ? C'était une fille, rien qu'une fille ! Qui se soucie des pisseuses ? Je parie que sa disparition ne sera même pas remarquée !"
"Elle savait se battre" observa quelqu'un.
"Elle a tué Beldash" gémit un autre.
"Elle m'a balafré le visage" fit un troisième.
La silhouette haussa les épaules.
"On n'aura qu'à dire que nous sommes tombés dans une embuscade. Les brigands sont de plus en plus arrogants, ces derniers temps."
"Personne ne nous croira !"
La grande silhouette foudroya les autres du regard. Tous détournèrent les yeux de son ombre.
"Moi, on me croira. Alors arrêtez de vous inquiéter pour le
l'incident de ce soir. Elle est morte, et c'est dommage. Beldash est mort, et c'est regrettable. Mais nous n'allons pas passer notre vie à regretter ce qu'on a fait, non ?"
Dans le ciel, les étoiles riaient doucement.
Marsh Posté le 02-02-2004 à 18:12:16
Grenouille Bleue a écrit : Aucune réponse ? |
ca vaut surtout dire que pour un post sur hfr c long
Jlirais ca se soir, pas le temps maintenant, attends un peu et up si jamais ce topic tombe au fin fond du forum
Marsh Posté le 02-02-2004 à 18:51:05
un peu difficile de juger seulement sur le début mais j'ai trouvé ça pas mal.
un seul problème maintenant : j'attends la suite
Marsh Posté le 03-02-2004 à 02:21:41
un peu court pour juger mais donne envie de lire la suite
Marsh Posté le 03-02-2004 à 14:16:26
Merci pour les commentaires des deux lecteurs
Si ça donne envie de lire le premier chapitre, c'est que l'introduction remplit bien son rôle. Joie et bonheur !
Désolé d'imposer à un forum informatique des pavés aussi longs... Voici le chapitre I avec espoir et bonheur !
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Ce n'était pas une nuit à mettre un garde dehors.
Il faisait froid, il faisait sombre, et une petite pluie fine tombait depuis près de deux heures,. C'était le genre d'humidité oppressante qui pénétrait les vêtements, trempait les pourpoints et glaçait la peau. L'épaisse cuirasse de mailles ne faisait rien pour arranger les choses.. C'était le genre de temps qui faisait regretter à Revor d'avoir rejoint la garde.
Grognant de dépit, il finit par poser de côté la pipe qu'il essayait de garder allumée depuis plusieurs minutes. Cela faisait la troisième fois qu'il jouait de son briquet à silex, et il commençait à se dire que le jeu n'en valait pas la chandelle. Le temps qu'il passait à tenter de préserver la flamme fragile de la pluie et du vent était autant de temps pendant lequel il ne pouvait réchauffer ses mains devant la chaleur de son brasero.
Le bruit assourdi d'une cloche sonna dans le lointain, et Revor resserra plus fermement les pans de sa cape contre lui. Douze coups. Il était minuit.
"L'heure des démons et des farfadets" murmura-t-il, désabusé.
Cela faisait longtemps qu'il ne croyait plus à ces contes pour enfants, bien sûr, mais le son guttural de la cloche et l'obscurité intense qui envahissait l'Académie n'étaient pas particulièrement rassurantes. Machinalement, Revor s'empara de la lance qu'il avait posée contre le mur, et éprouva d'un doigt calleux le tranchant de la pointe. Des démons ! Des farfadets ! C'était ridicule !
Lorsque les ténèbres s'écartèrent et que la forme sombre apparut devant lui, comme surgie de nulle part, il étouffa un cri de terreur et recula instinctivement le buste, manquant renverser le brasero. La forme se pencha vers lui? puis éclata de rire.
"Du calme, Revor. Ca n'est que moi !"
Le nouveau venu rabattit la capuche qui couvrait son visage et le protégeait du froid, et le vent s'engouffra aussitôt dans les mèches brunes qu'il venait de dévoiler. Le garde resta un instant bouche ouverte, puis se détendit enfin.
"Mais qu'est-ce que tu fais ici à cette heure, petit ? La nuit est sombre et froide, et tu serais mieux dans ton lit !"
Malek grimaça, avant de lever les yeux vers la haute tour que gardait Revor. Une lumière unique brillait à la plus haute fenêtre, la seule étoile visible dans ce ciel nuageux.
"Je sais, mais il faut que je voie Maître Semos"
"Maintenant ?" Le garde souleva son casque pour se gratter le crâne. "Il doit déjà être au lit, pour sûr. C'est vraiment important ?"
"J'ai vu de la lumière chez lui. Il est encore debout. Et il faut que je le voie tout de suite"
Revor se mordit la lèvre inférieure, comme toujours lorsqu'il réfléchissait. Cela faisait plus de dix ans qu'il travaillait à l'Académie. Bien sûr, par des nuits comme celle-ci, il était pris de quelques regrets mais, au final, ça restait un bon emploi, bien payé et confortable. Il n'avait aucune intention de le perdre.
Le capitaine lui avait dit de garder la porte de la tour. Normalement, personne n 'était autorisé à rentrer à cette heure. Mais d'un autre côté? d'un autre côté, il connaissait bien ces fils de nobles, vaniteux et arrogants, capables de faire et de défaire les carrières. Il les avait vus braver tous les interdits, convaincus, avec l'arrogance de leur jeunesse, que le simple fait d'être bien né leur permettait tous les excès. Et il s'était vite rendu compte que la meilleure manière de vivre sans ennuis était encore de ne pas se mettre en travers de leur chemin, capitaine ou pas capitaine. Prenant sa décision, il s'effaça pour laisser entrer le jeune homme.
"Si on me reproche de te laisser passer, tu parleras en ma faveur, eh, petit ?"
Malek sourit froidement.
"Si tu ne m'avais pas laissé passer, j'aurais parlé en ta défaveur."
Revor grommela une obscénité alors que le jeune noble disparaissait dans l'obscurité de l'escalier en colimaçon.
Malek jeta un dernier regard en arrière, avant d'étouffer un soupir et de commencer à monter. Il n'aurait pas dû se montrer aussi agressif avec le garde. Mais c'était plus fort que lui. Il ne supportait pas de se faire appeler "petit", comme lorsqu'il avait dix ans. Il en avait dix-sept, maintenant !
La montée était longue et pénible. Pour distraire son esprit de la confrontation à venir, il entreprit de compter les marches. Il était arrivé à cent soixante-trois lorsqu'il parvint enfin sur le dernier palier, transpirant malgré la fraîcheur de la nuit. Un rai de lumière filtrait toujours sous la porte de la chambre.
Malek prit une grande inspiration, autant pour compenser l'effort qu'il venait de fournir que pour rassembler son courage. Machinalement, il vérifia que sa cape tombait correctement et que son pourpoint était propre. Enfin prêt, il frappa.
Quelques bruits de feuilles tournées lui répondirent, puis une voix sèche:
"Entrez"
Il poussa la porte.
Il n'était jamais monté ici jusqu'à présent, et il avait bien souvent imaginé le confort et le luxe dont pouvait profiter le maître d'une Académie aussi réputée que celle de Musheim. La réalité était, en un sens, décevante.
C'était une petite pièce, basse de plafond et mal éclairée. Deux chaises, un lit, un bureau, deux coffres, une cheminée. La seule concession au confort était le fauteuil profond et rembourré de plumes dans lequel Semos s'installait pour travailler. Il n'y avait pas grand chose à voir et Malek ne pouvait retarder le moment plus longtemps. Prenant son courage à deux mains, il leva les yeux vers le visage du Maître de l'Académie.
"Tiens, tiens. Qui voilà ?" susurra Semos sans même lever la tête de ses papiers.. "Quelle plaisante surprise"
"Je souhaiterais vous parler"
"Je m'en doute. Tu n'es pas venu ici au beau milieu de la nuit pour me regarder travailler." Semos fronça les sourcils. "Qui est de garde, en bas ? Revor, non ? Cet abruti ne changera donc jamais
"Il ne voulait pas me laisser passer" fit loyalement Malek. "C'est moi qui l'ai forcé"
Semos se pencha en avant.
"Forcé, vraiment ? Je devrais mieux choisir mes gardes. S'ils cèdent aux caprices d'un gamin de quinze ans, je n'ose imaginer ce qu'ils feront face à une menace véritable."
"J'ai dix-huit ans" protesta Malek, furieux.
"Quinze, dix-huit, cela importe peu. J'avais donné des consignes pour qu'on ne me dérange pas" Il soupira. "Mais laissons cela. Si tu es ici, je suppose que c'est important. Un verre de vin ?"
Malek se lécha les lèvres. L'émotion lui asséchait la gorge, et il acquiesça sombrement. Semos fouilla quelques secondes dans le coffre le plus proche de lui, et se redressa avec une bouteille et deux gobelets entre les mains.
"Tu as bien fait de venir, finalement, mon garçon" gloussa-t-il. "Quelles que soient tes raisons, ça me fera une pause inattendue. Ces problèmes me rendent fou !"
"Quels problèmes ?"
"Oh, rien qui puisse te concerner. C'est simplement difficile de tenir un budget, ces derniers temps. Mais tu n'es pas venu ici pour m'entendre radoter. Que voulais-tu me dire ?"
Malek déglutit. Masquant son expression derrière son verre, il entreprit de siroter lentement le vin pour rassembler ses pensées. L'alcool était un peu trop corsé à son goût, mais rafraîchissant.
"Je voudrais savoir à quoi riment les consignes que vous avez fait passer" finit-il par dire.
"Oh ?" Semos haussa un sourcil. "Quelles consignes ?"
"Vous le savez très bien !" rugit Malek. "Les consignes sur Deria ! Vous faites planer un secret absurde sur sa mort ! Pourquoi est-ce que personne n 'a le droit d'en parler ? Pourquoi est-ce que l'Académie n'est pas parée des couleurs de deuil ?" Il grimaça. "Le drapeau du royaume n'est pas en berne. Les grilles sont ouvertes comme si de rien n'était. Il n'y a aucune cérémonie, aucun enterrement. Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Elle ne mérite pas un peu de considération ?"
Semos attendit patiemment que le jeune homme ait fini. Si la violence des mots le surprenait, il n'en montrait aucun signe.
"Ca y est, tu as fini, mon garçon ?"
"Non, je n'ai pas fini !" cracha Malek. "Sa famille n'a même pas été prévenue ! Vous ne croyez pas qu'elle a le droit d'être au courant ? A quoi jouez-vous ?"
Cette fois-ci, le maître haussa un sourcil. Une ride se creusa sur son front..
"Comment sais-tu ça ?"
Le jeune homme haussa les épaules.
"Je me suis renseigné au pigeonnier. Pas un seul message n'est parti depuis la semaine dernière. Et votre clerc n'a écrit aucune lettre en direction de sa famille." Il eut un sourire amer. "Je suis allé le voir en lui demandant de rajouter mes condoléances dans sa missive, et vous savez ce qu'il m'a répondu ?"
Semos soupira.
"Qu'il n'y avait pas eu de lettre du tout, je suppose ?"
"Exactement ! Alors, à quoi jouez-vous ? Comment osez-vous diminuer ainsi le souvenir de Deria ? C'est à croire qu'elle n'a jamais existé, pour vous ?"
Malek s'interrompit alors qu'un bruit sourd et répété venait déranger son discours. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser que Semos tambourinait nerveusement des doigts sur la table.
"Tu n'as aucune idée de ce dont tu parles, Malek" grommela enfin le maître. "Sache simplement que j'agis pour le mieux de l'académie. Ca a toujours été, et ce sera toujours, ma préoccupation première. Mais sache également que je n'ai pas l'habitude de discuter de mes décisions avec un simple étudiant, Malek"
"Alors changez vos habitudes !" gronda Malek.
Semos fronça les sourcils, et son expression se durcit..
"Je veux bien être patient avec toi, mon garçon, mais tu ne me rends pas les choses faciles. Nous allons mettre tout cela sur le compte de l'émotion. Rentre chez toi, va dormir, et j'oublierai ce que tu viens de dire"
"Mais?"
"Va dormir, je t'ai dit. Le sujet est clos."
"Je?"
"Suffit !" trancha Semos. "Tu peux descendre seul, ou tu peux le faire entre deux gardes. C'est ton choix, mais fais-le vite. J'ai encore du travail, et il est très tard"
Malek resta un instant immobile, le visage rouge de confusion et de colère. Puis, sans un mot, il tourna les talons.
"Sage décision" siffla la voix derrière lui.
Malek était furieux contre lui-même alors qu'il descendait les escaliers quatre à quatre. Stupide, il avait été stupide. Il s'était pourtant promis d'être diplomate. Sa naissance impressionnait peut-être les gardes et les marchands, mais Semos était au moins aussi bien né, et infiniment plus puissant. C'était une erreur que de le provoquer de front ainsi.
Le jeune homme soupira. C'était facile de se le dire maintenant, alors qu'il n'était plus dans la petite chambre et qu'il pouvait rassembler ses pensées. Mais, là-haut, il s'était senti envahi par la colère devant l'apparent mépris qu'affichait le maître de l'académie vis-à-vis de la mort de la jeune fille. Par le souffle et le sang, il n'avait pas même paru ému ! Comme si cette mort ne l'affectait en rien ! Malek serra les poings. Pour sa part, la nouvelle l'avait dévasté.
Les filles n'avaient jamais été insensibles à son charme, et il en avait connu de nombreuses, les embrassant doucement sous la lune, ou les ramenant sous la chaleur de ses couvertures. Mais jamais il n'avait connu une fille comme Deria. Encore plus brillante et arrogante que lui, vive d'esprit, tour à tour sarcastique et ironique, et surtout tellement belle, tellement pleine de vie ! Et maintenant, elle était morte. Aussi facilement que cela. Elle avait paru immortelle, et une lame dans le ventre lui avait démontré le contraire. La seule fille digne de lui qu'il ait jamais rencontré, et il avait fallu qu'on la lui enlève.
"Ca s'est si mal passé que ça, eh ?" fit Revor, plein de sollicitude.
"Occupe-toi de ton brasero" grogna Malek, essuyant ses larmes d'un revers de main rageur.
"Moi, ce que j'en disais" murmura le garde, haussant les épaules.
Malek se haïssait d'avoir répondu avec brutalité, mais il ne se sentait pas dans le bon état d'esprit pour faire des politesses. D'un pas lourd, il traversa de nouveau la cour, trébuchant contre un mannequin d'entraînement et étouffant une bordée de jurons.
Deria était morte, et non seulement personne n'enquêtait sur sa mort, mais encore tout le monde faisait comme si elle n'avait jamais existé. Le pire avait été lorsqu'on lui avait solennellement remis la statuette de récompense de Première Lame qu'avait reçue Deria. Maître Semos avait même prononcé un petit discours pour affirmer à quel point il était fier de Malek, et à quel point il était rare que quelqu'un remporte trois années de suite ce titre prestigieux. Malek avait eu envie de lui crier dessus, de lui hurler qu'il n'avait rien remporté du tout, qu'il s'était fait battre à plate couture par une fille, par une jolie fille aux cheveux blonds, aux yeux rieurs et à l'épée meurtrière.
Malek n'avait pas l'habitude de se sentir impuissant, et pourtant il semblait n'y avoir rien à faire. C'était extrêmement frustrant. Le jeune homme aurait aimé pouvoir se raccrocher au souvenir de Deria, mais même cela lui était refusé. Toutes ses possessions avaient été récupérées, sa chambre réattribuée, et sa servante affectée à quelqu'un d'autre. Il y avait quelque chose de réellement étrange là-dessous, et le jeune homme ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Pourquoi souhaitait-on tellement garder cette mort secrète ?
Le jeune homme sourit. Il n'allait pas rester ainsi à se morfondre. Si Semos croyait qu'il allait se laisser abattre pour si peu, le réveil serait dur ! On ne le mettait pas au courant des raisons de cette décision ? Très bien ! Alors, il n'y avait aucune raison qu'il obéisse. Il hésita un instant sur la marche à suivre puis, à grands pas, se dirigea vers l'aile de service.
Tout le monde dormait, à cette heure-ci, mais les portes n'étaient pas fermées à clef. Il n'y avait rien à voler par ici, ou si peu. Le garde de faction sourit de toutes ses dents en voyant le jeune homme pousser la porte.
"Venu faire une petite visite nocturne ? Je n'ai rien vu, rien entendu, bien sûr"
Malek remonta le pan de son manteau pour ne pas que le rouge qui lui montait aux joues soit visible à la lueur du brasero. Evidemment, il aurait dû s'en douter. Pourquoi aller dans ce bâtiment en pleine nuit, sinon pour aller chercher une jolie servante sur qui on avait jeté son dévolu ? Malek sourit. En un certain sens, c'est ce qu'il venait faire.
Les couloirs étaient sombres et silencieux. Le jeune homme hésita un instant dans l'embrasure d'une porte, et soupira doucement. Il était ridicule. Il ne connaissait absolument pas ces quartiers, comment pouvait-il espérer un seul instant trouver une servante particulière parmi la centaine de domestiques qui dormaient ici ?
Son pouls s'accéléra alors qu'il reconnaissait soudain l'une des formes endormies près de l'âtre. Shareen était enroulée dans sa couverture jusqu'à ce que seule la tête dépasse, et elle ronflait doucement. Avec soin, il s'introduisit dans la pièce, prenant garde à ne heurter personne du pied. Il était inconfortablement conscient du bruit de ses bottes sur le dallage et du frottement de son fourreau contre sa jambe. Une fille grogna dans son sommeil et se tourna dans l'autre sens.
Malek resta un instant immobile, la sueur lui coulant dans les yeux. C'était une peur irraisonnée, car il avait parfaitement le droit d'être là. Mais il devrait fournir des explications, et la perspective ne l'enchantait guère. Doucement, il s'accroupit aux côtés de Shareen, et posa fermement sa main sur sa bouche.
"Chhhht" murmura-t-il alors qu'elle se réveillait en sursaut. Il porta son autre main à ses lèvres pour lui faire signe de ne pas parler. Elle le regarda, incrédule alors qu'elle le reconnaissait enfin. "Viens" fit-il encore plus bas, se penchant pour que sa bouche soit au niveau de son oreille. Elle hésita un instant puis, lorsqu'il retira sa main, hocha la tête et se leva.
Silencieusement, ils sortirent de la chambre. Malek gémit intérieurement alors que sa botte heurtait une côte. La jeune fille grogna et ouvrit les yeux. Le garçon se raidit en prévision du hurlement qui allait suivre, mais la servante se contenta de regarder Shareen et lui, un demi-sourire aux lèvres. Puis elle haussa les épaules et se retourna pour se rendormir. Malek respira de nouveau.
"Viens" répéta-t-il à voix basse. Docilement, Shareen suivit.
"Bon choix" ricana le garde alors qu'ils ressortaient.
"Tiens ta langue" siffla Malek, gêné. Il aurait aimé passer totalement inaperçu, mais c'était la seule porte. Enfin dans la cour, il poussa un soupir de soulagement.
"Qu'est-ce que? qu'est-ce qu'il se passe ?" balbutia Shareen, s'accrochant désespérément à son bras. "Pourquoi est-ce que tu m'as demandé de venir ?"
Il plongea son regard dans ses yeux, et se dégagea d'une bourrade.
"J'ai besoin de quelques informations. Toi seule peut me les donner. Il faut qu'on discute"
Shareen bailla sans pouvoir s'en empêcher.
"Quoi ? Maintenant ?" bredouilla-t-elle.
"Non, demain. C'est pour ça que j'ai pris la peine de te réveiller en pleine nuit" grinça Malek. "Bon. Tu discutais beaucoup avec Deria, non ?"
Aussitôt, les yeux de la jeune fille se voilèrent, et Malek sentit une pointe de remords. S'il avait mal pris la nouvelle, c'était Shareen qui avait pleuré le plus. La fille était beaucoup trop sensible pour un monde aussi cruel. Elle avait eu de la chance de pouvoir trouver une place de servante dans un endroit relativement sûr comme l'académie.
"Oui" murmura Shareen. "Pourquoi ?"
"Le pourquoi n'est pas important" fit doucement Malek. "Réponds simplement à mes questions. Est-ce qu'elle t'a parlé de sa famille ?"
"Sa famille ?"
"Oui, sa famille, tu sais, le père, la mère, les frères, les s?urs, ce genre de choses ?" Il haussa les épaules. "Je ne me rappelle pas qu'elle ait mentionné qui que ce soit en un an."
"Pourquoi est-ce que tu veux savoir ça ?"
"Je t'ai dit que le pourquoi n'avait pas d'importance" grogna-t-il de nouveau.
Shareen le regarda un instant avant de hocher la tête.
"Toi non plus, tu ne comprends pas pourquoi ils essaient de tout cacher comme ça, n'est-ce pas ?"
"Ca me rend fou !" admit-il. "C'est comme si elle n'avait jamais existé ! Il y a une atmosphère de? de complot sur cette académie. Je ne comprends pas grand chose, et ça m'énerve. Mais ce que je comprends, c'est que Deria était une fille bien, et qu'on n'a pas le droit de lui faire ça"
Shareen hocha de nouveau la tête.
"Et que veux-tu faire, si je te parle de sa famille ?"
Il eut un rire amer.
"C'est encore une autre manière de me demander pourquoi, n'est-ce pas ? Très bien. Quelle importance, après tout. Ce n'est pas comme si c'était une affaire de vie ou de mort. Mais je pense que le minimum de la décence serait d'avertir ses parents. Une fois que tu m'auras dit de qui il s'agit et où ils sont, je vais aller les prévenir et leur présenter mes condoléances. C'est le moins que je puisse faire" Il soupira. "J'aimais cette fille"
"Je sais" fit doucement Shareen. "Mais je ne pense pas que tu puisses faire le voyage"
"Comment ça ?"
"Elle m'a uniquement parlé de son père, et je crois qu'elle est fille unique. Je ne sais pas si elle a toujours sa mère"'
"Son père suffira" fit sombrement Malek. "Qui est-ce ? Elle n'a jamais voulu le dire, et j'ai toujours été curieux de savoir qui pouvait inspirer un tel respect aux maîtres de l'académie"
"Je ne sais pas son nom?" commença Shareen.
"Quoi ?"
"Mais je sais où il habite" termina-t-elle rapidement, "et je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée que tu t'y rendes. C'est très loin, et c'est probablement très sauvage aussi"
Malek haussa les épaules.
"Ca ne me fait pas peur. Où est-ce ?"
"Elle m'a donné le nom du château? Ca ne me disait rien, et je ne sais pas lire, alors je ne pouvais pas le trouver sur une carte. Mais toi, tu y parviendras certainement"
"Donne-moi le nom, qu'on en finisse" siffla Malek.
"Château Bertholdton" Il y eut une pause. "Ca te dit quelque chose ?"
"Non" fit doucement Malek, "et pourtant, je pense connaître tous les châteaux importants du royaume. Tu es sûre qu'elle ne s'est pas moquée de toi ?"
"Bien sûr que je suis sûre !" protesta Shareen, indignée. "Elle m'a même dit que c'était le château le plus au nord du royaume"
"Le château le plus au nord, c'est Carnogel. Elle serait la fille de Ternebrunt de Verner ? Je ne savais pas qu'il avait des enfants"
Shareen secoua la tête.
"Non, non, je lui ai fait la même remarque, mais elle m'a dit que c'était encore plus au nord"
"Eh bien, on n'a pas le choix. Il va falloir trouver une carte"
"Maintenant ?"
"Maintenant"
C'était une chance, finalement, que les jeunes nobles de l'académie aient pu commettre toutes les frasques possibles et imaginables dans l'enceinte de l'académie. Les gardes étaient désormais bien éduqués. Comme les deux autres avant lui, celui qui gardait l'accès à la bibliothèque détourna ostensiblement les yeux et se mit à observer les étoiles alors que les deux jeunes gens s'introduisaient dedans.
"Niveau discrétion, je fais très fort, ce soir" observa amèrement Malek.
"Mais le garde n'a rien dit ?"
"Pour l'instant, non. Mais tu peux être sûre qu'il fera son rapport demain. Ou qu'il en discutera autour d'une chope de bière. Comment Malek a emmené une jeune servante dans la bibliothèque pour trouver un endroit calme"
Shareen rosit.
"Tu ne penses pas que?"
"Moi, non. Lui, si. Bien, si nous nous mettions à chercher ?"
Sans plus accorder d'attention à la servante rougissante, le jeune homme entreprit d'allumer une à une plusieurs bougies pour éclairer un minimum la pièce. Les ombres refluèrent lentement.
"Comment est-ce que je peux faire pour aider ? Je ne sais pas lire" murmura Shareen.
"Ne t'inquiètes pas, c'est moi qui ferai la recherche. Mais je préfère que tu sois à portée de main, au cas où tu te rappellerais certains détails. Ce château doit être ridiculement petit pour que je n'en aie pas entendu parler. Espérons qu'il figure sur les cartes."
"Moi, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi un petit noble comme ça aurait autant d'influence"
Malek soupira.
"Je ne sais pas. Mais nous verrons bien une fois que nous l'aurons rencontré"
Se plongeant dans un des livres pour signifier que la conversation était terminée, il commença à tourner les pages. Un château dans le nord? Bertholdton? Les cartes étaient magnifiquement faites et illustrées avec soin, mais il n'y faisait aucune mention d'un tel château.
"C'est quand même étrange?" marmonna-t-il.
"Ca fait peut-être partie d'un autre royaume ?" suggéra Shareen.
"Au nord ? Ne sois pas ridicule, au nord, il n'y a que de la neige et des barbares. Je ne vois pas de quel royaume il pourrait s'agir"
De fait, les cartographes avaient tous interrompu leur retranscription quelques lieues au nord de Carnogel. On ne pouvait voir qu'une immense toundra, sans l'ombre d'une ville ou d'un bâtiment quelconque ? encore moins d'un château.
"Je commence à croire qu'elle s'est vraiment moquée de toi" soupira Malek. "Elle a dû inventer le nom de Bertholdton. Je ne vois pas d'autre explication"
Il se tourna pour souffler la bougie, mais Shareen poussa un cri.
"Sur cette carte ! Il y a quelque chose, au nord !"
"Montre-moi ça ?"
Le morceau de parchemin changea de main, et Malek sentit l'excitation le gagner. Deria n'avait pas menti, en fin de compte. Il y avait bien un château au nord de Carnogel et, si l'on se fiait à la taille du point, il s'agissait même d'un gros. Bertholdton, proclamait fièrement le cartographe.
"C'est ça? C'est là !"
Shareen grimaça.
"C'est tout de même bizarre que cela n'apparaisse sur aucune autre carte. Il faut dire que c'est vraiment situé dans un endroit perdu"
Elle n'avait pas tort. Carnogel marquait réellement la fin de la civilisation. Ensuite, il n'y avait plus que la bande grise de la toundra, et loin, très loin au nord, cet unique château. Pas de villages, d'exploitation, de domaine mentionnés sur la carte. Rien du tout hormis la forteresse. Et, un peu au-dessus, une inscription féroce: barbares, danger.
"Je pense que les cartographes n'ont pas eu le courage de voir ce qui se cachait plus haut" murmura Malek. "Au temps pour leur professionnalisme" Il haussa les épaules. "Mais il faut dire que ça fait un sacré voyage ! Regarde, la route du nord jusqu'à Carnogel fait déjà plus de mille cinq cent kilomètres. Ca représente un bon mois de trajet, ou je ne m'y connais pas. Et il y a ensuite près de dix jours de plus pour atteindre ce château?"
"Quarante jours ?" fit Shareen, incrédule. "Mais c'est le bout du monde. Tu? tu veux toujours y aller ?"
Malek sourit.
"Plus que jamais. J'étouffe, dans cette maudite académie. Maintenant que Deria n'est plus là, l'entraînement n'a plus aucune saveur. Ca me fera du bien de voir un peu le monde." Il sourit. "Sais-tu, aussi étrange que ça puisse paraître, que je ne suis presque jamais sorti de Musheim ?"
"Moi non plus" observa Shareen.
"Oui, mais tu es une servante, c'est normal" Il frappa dans ses mains. "Bon, c'est décidé. Nous partons à l'aube pour Bertholdton. En prenant le bateau, nous pouvons atteindre le port de Guisam en une dizaine de jours. A partir de là, ce n'est même pas la peine de passer par Carnogel. Dix jours de cheval, et nous y serons"
"Dix jours de? Comment ça, nous ?" balbutia Shareen. "Tu y vas tout seul, n'est-ce pas ?"
Malek la foudroya du regard.
"Bien sûr que non. Deux gardes au moins nous ont vu ensemble cette nuit. Si jamais je pars, tu auras probablement des ennuis. Tu leur dirais où je suis parti, et je ne veux pas qu'ils le sachent"
"Mais je ne dirai rien" protesta Shareen, éperdue.
"Bien sûr que si. Je connais certains gardes qui ont des méthodes un peu? brutales pour faire parler les gens. Tu ferais comme tout le monde, et tu cèderais. Je ne te blâme pas, mais je ne veux pas en prendre le risque"
"Je sais que moi, je ne cèderai pas" souffla doucement Shareen.
Malek sourit.
"Je sais. Tu es courageuse. Mais Deria était ton amie, plus que ta maîtresse, non ? Tu ne veux pas aller présenter tes condoléances ?"
"Ca? ne servirait à rien" protesta-t-elle. Les yeux de Malek se chargèrent de mépris, et elle s'empressa d'ajouter: "Mais je ne peux pas partir de l'académie comme ça. Je travaille, ici. Je ne fais pas partie des nobles. Si je disparais, je peux dire adieu à mes sept pièces d'argent par mois. Et puis, ils vont probablement croire que je me suis enfuie en volant quelque chose"
Malek secoua la tête.
"Ridicule. Tu es sous ma protection, et ils croiront ce que je leur dirai. Non, c'est décidé, il faut que tu viennes." Il eut un sourire désarmant. "Ca devrait prendre près de deux mois en tout, et j'apprécierai certainement d'avoir un peu de compagnie, quelqu'un avec qui discuter. Alors ?" Il la vit hésiter, et tendit la main. "Je double ton salaire"
"Tu me promets que tu me protègeras ?" fit Shareen, soupçonneuse.
"Je te le promets. Sur l'honneur de ma maison"
"Et si nous rencontrons des barbares ?"
"Je les tuerai"
"Ah" fit Shareen. "Dans ce cas, je viens"
Malek sourit
"Brave fille ! Bien, ne perdons pas de temps. Je vais passer récupérer quelques affaires, un peu de nourriture à la cuisine, un sac, et assez d'or pour le voyage" Il ricana. "En route pour l'aventure, la vraie ! A nous les nuits à la belle étoile, la neige, le froid et les dangers !"
"Formidable" marmonna Shareen.
Marsh Posté le 03-02-2004 à 14:25:52
tu comptes nous sortir le bouquin entier on-line à la King ?
Plus sérieussment, je n'y connais pas grand chose dans le domaine, mais j'ai apprécié ton intro. Je trouve personellement que ça donne envie de lire la suite, l'écriture est bonne, pas trop lourde, rythme cohérent, c'est pas mal...
Je lirai peut-etre ton premier chapitre plus trad, pas trop le temps là.
Par contre tu devrais signaler ce topic dans celui cité plus haut, histoire que les plus intéressés puissent y jeter un coup d'oeil.
Et bon courage
Marsh Posté le 03-02-2004 à 17:08:34
de plus en plus intéressant
t'as reussi à le faire publier
ou tu compte le mettre en ligne ?
parce que maintenant j'ai bien le gout de le lire en entier ton bouquin ;-)
Marsh Posté le 03-02-2004 à 17:13:14
Grenouille Bleue a écrit : Aucune réponse ? |
'lut Grenouille
Laisse faire, c'est long à lire ton texte
Marsh Posté le 03-02-2004 à 17:15:26
Y a des types sur Ratiatum (le forum) qui écrivent des récits en continu sur le forum, ça serait pas mal si tu pouvais faire la même chose... donc je drapote.
En attendant, j'ai pas encore pu tout lire, mais d'après les quelques phrases que j'ai lu, et ayant eu dans mon entourage une personne qui lisait des manuscrits pour une maison d'édition (pas de SF...) je crois pouvoir dire que ton style est plutôt dans le haut du panier... mais pas de précipitation ! on jugera l'oeuvre en entier
Marsh Posté le 03-02-2004 à 17:30:09
Moi aussi, ça me plait. Et je ne suis pas spécialement fan du genre, mais maintenant que j'ai lu le début, je veux savoir la suite.
Marsh Posté le 03-02-2004 à 18:53:47
Merci pour les encouragements (et salut à LooSHA, qui décidément traîne partout ).
Non, cette histoire n'est pas publiée, même si c'est vrai que mon objectif est à terme de le proposer à un éditeur (comme Mnemos ou Bragelonne). On verra bien ce qu'il dira. A mon avis, il y a un monde entre écrire quelque chose d'intéressant, et quelque chose de... publiable !
Mais je suis très content d'être parvenu à vous intéresser avec le début, ça me fait vraiment plaisir.
Je mets le chapitre 2 ?
EDIT: qu'est-ce que c'est que Ratiatum ?
Marsh Posté le 03-02-2004 à 19:01:30
Grenouille Bleue a écrit : |
[HS]Un forum consacré au P2P, légal il me semble mais je ne sais pas si la charte m'autorise à en parler ici... j'espère juste que les modos me feront signe avant de me TT
En tous cas on ne fait pas que parler de ça puisqu'il y a aussi des écrivains en herbe sur ce forum. [/HS]
Marsh Posté le 03-02-2004 à 20:46:55
un peu que tu le mets le chapitre 2
très bien le 1er chapitre avec une bonne petite fin qui nous donne envie de découvrir le début de leur voyage.
Marsh Posté le 03-02-2004 à 21:29:01
Suite à l'enthousiasme invétéré de mon lecteur (merci ), je mets le deuxième chapitre.
Mais découvrir le début de leur voyage... tu rêves
_________________________________________________
Chapitre II
Les vignobles de Château-Sekti avaient toujours donné un vin précieux et capiteux, à la robe grenat et aux reflets tuilés. Les critiques de l'Empire prétendaient qu'il avait un nez animal et cuir, et que sa bouche d'attaque était à la fois âpre et soyeuse. Ils recommendaient chaudement ce vin pour accompagner les plats en sauce, mais son simple prix, plus de six pièces d'or la bouteille, le réservait aux grandes occasions.
Semos ne s'y connaissait pas en vin. Tout ce qu'il savait, c'était qu'en boire beaucoup lui permettait de calmer provisoirement ses angoisses et de ne plus penser aux problèmes qui s'accumulaient sur ses épaules. Il porta le verre à ses lèvres et le vida d'un trait, puis alla pour se resservir. Ses lèvres s'incurvèrent en un rictus incrédule alors qu'il trouvait la bouteille vide. Il n'avait tout de même pas bu autant ? Ou peut-être que si, après tout. Il ne se souvenait pas. Il ne voulait pas se souvenir.
"Maudite Deria. Maudits gamins. Maudit Empereur !"
Ses doigts se crispèrent sur le morceau de papier qu'il venait de lire. Malgré le cylindre de fer qui l'avait protégé durant le voyage, le parchemin avait beaucoup souffert de la pluie, et il s'était déchiré par endroits. Pourtant, on pouvait encore très nettement déchiffrer le message qui y était inscrit. La personne qui l'avait envoyé avait écrit d'une main nerveuse et l'écriture était erratique, montant et descendant sur le bout de papier. De même, une tache d'encre maculait le coin inférieur droit. La pluie n'avait pas suffi à la faire disparaître.
Semos aimait les choses nettes, et ses hommes le savaient. Un tel manque d'égard prouvait que l'affaire était grave, et que la missive avait été envoyée avec précipitation.
"Six hommes?" murmura Semos, désabusé. "Ce n'était quand même pas un travail si compliqué que ça ?"
Il fallait croire que si. De nouveau, ses yeux parcoururent la note, cherchant en vain un mot qu'il aurait pu rater. C'était impossible, bien sûr. Il n'y en avait que quatre.
Assassinat raté. Tous morts.
Semos se leva lourdement et approcha le papier d'une bougie. Il s'embrasa aussitôt, et les flammèches entreprirent de le dévorer avec avidité, léchant les doigts de Semos au passage. Malgré la douleur, le maître de l'Académie ne lâcha le papier que lorsqu'il n'en resta plus que des cendres. Un sourire satisfait joua sur ses lèvres.
"Une bonne chose de faite !"
Il jeta un ?il vers le miroir qui ornait le mur nord, et son sourire vacilla. Jusqu'à présent, il s'était toujours trouvé bel homme, avec sa fine moustache, ses traits réguliers, ses yeux pénétrants. Mais l'angoisse et le manque de sommeil l'avaient profondément marqué. Des rides précoces marquaient son visage, ses traits étaient tirés; des pattes d'oie rendaient son expression encore plus austère. Il plissa les yeux. S'il ne se trompait pas, quelques cheveux gris venaient même envahir la tignasse d'un noir de jais dont il était si fier.
"Coquet, Semos ? Tu m'avais caché ça !"
Le maître se retourna brutalement en entendant la voix gouailleuse. La colère et la honte se disputaient sur son visage, et ses mains se serrèrent lentement en poings avant de se détendre. Un homme se tenait dans l'embrasure de la porte, la silhouette découpée par la lumière des bougies. Il souriait.
"Gundron? qui t'a laissé passer ?"
"Oh, un garde. Un peu gros, les yeux stupides. Il ne voulait pas de problèmes avec moi"
"Revor" grogna Semos, désabusé. "Un jour, il faudra que je m'occupe de lui"
Gundron libéra la fibule qui retenait sa cape, et posa soigneusement le vêtement trempé de pluie sur le coffre à boissons de Semos.
"Ce ne sera pas nécessaire. Une telle attitude est regrettable, chez un garde. Je lui ai dit de se présenter au Sergent Melhan. A partir de demain, il reprendra ses fonctions en tant que simple homme de patrouille."
Semos sentit une vague irritation monter en lui. Revor méritait d'être puni, mais c'était à lui qu'incombait de s'en occuper, pas à Gundron ! Comment l'homme osait-il outrepasser ainsi ses droits ? Fermement, Semos étouffa sa colère, et s'efforça de présenter un visage impassif.
"Bien. Ce n'est pas la première fois qu'il ne remplissait pas son travail." Il haussa les épaules. "Oublions ça. Que fais-tu ici ?"
Gundron s'approcha du bureau, la démarche féline. C'était un homme d'action, et cela se voyait.
"Je m'en voudrais de te déranger dans ton admiration narcissique. Tu veux peut-être que je te peigne les cheveux, ou que je te fasse couler un bain ?"
Semos baissa les yeux, incapable de soutenir ce regard brûlant. L'homme était hideux à voir. La profonde cicatrice qui partait de son front pour rejoindre son menton, et qui avait emporté son ?il gauche, s?était résorbée avec le temps et les traitements coûteux, mais elle lui mangeait toujours la moitié du visage, comme un serpent furieux qui rampait sur sa chair. Gundron avait toujours refusé de mettre un bandeau et paraissait se délecter de l'horreur qu'il faisait naître chez ses interlocuteurs.
Sans attendre de réponse, le borgne s'empara d'une chaise et la retourna avant de s'asseoir, dossier en avant. Semos n'eut d'autre choix que de s'asseoir à son tour.
"Qu'est-ce que tu es venu faire là ?" répéta-t-il, tentant de retrouver sa contenance. Sa main se posa machinalement sur son épée, et il se lécha les lèvres. "Tu crois que j'ai besoin d'être surveillé ?"
Gundron haussa les épaules.
"Ce n'est pas à moi de croire, je me contente d'obéir. Et on m'a demandé d'aller vérifier si tu t'étais occupé de notre? petit problème"
"Personne ne peut t'entendre, Gundron, tu peux cesser de parler à mots couverts" grogna Semos. "Oui, je fais ce que je peux pour qu'aucun mot ne filtre de la mort de Deria avant que vous ne soyez prêts. Essayez simplement de ne pas trop traîner. A un moment ou à un autre, ça finira bien par se savoir"
"Espérons que non, pour toi comme pour moi" sourit Gundron. "Est-ce que c'est une bouteille de vin que je vois dépasser de ce coffre ? Sers-moi un verre, alors. Juste un fond, eh ? Lorsqu'on boit trop, on finit par agir de manière stupide"
Semos grinça des dents, affectant de ne pas relever la critique. Il ne pouvait nier que son haleine sentait l'alcool, mais il avait de bonnes raisons. Il s'exécuta néanmoins, remplissant à moitié la seule coupe dont il disposait et la tendant au borgne. Sans un mot de remerciement, Gundron la vida et la posa de côté.
"Ah ! Je vois qu'on sait recevoir, cher Semos. C'est bien !" Un sourire carnassier étira son visage. Semos n'aurait jamais cru qu'il pouvait devenir encore plus hideux. "Maintenant, parlons un peu. J'ai appris de source sûre que le père de notre petite Deria aurait été la victime d'un assassinat"
"Quoi ?" fit Semos, mimant de son mieux la surprise.
"Ce monde est cruel, et je suppose qu'il ne manque pas d'ennemis. Visiblement, une demi-douzaine de nouvelles recrues, à peine arrivées à Bertholdton, ont réussi à s'introduire dans ses appartements et à lui sauter dessus. Evidemment, ce fut un massacre"
Semos glissa un regard nerveux vers les cendres, sur son bureau.
"Ah bon ? Il est mort ?"
"Un massacre pour les tueurs, bien entendu !" grinça Semos. "Je ne sais pas qui a été assez stupide pour fomenter cette tentative pitoyable, mais j'aimerais bien l'avoir sous la main pour lui briser sa petite gueule. C'était voué à l'échec ! Et maintenant, l'homme sera sur ses gardes, et doit se douter que quelque chose ne va pas. La situation est bien pire qu'avant. L'empereur est furieux, évidemment"
Semos se lécha les lèvres. Lorsqu'il jouait au chat et à la souris, il préférait toujours le rôle du chat
"Je? comprends. C'était en effet une initiative stupide"
"Exact. Comme je l'ai dit, je ne sais pas qui a donné cet ordre. Quelqu'un qui était au courant, bien sûr. La liste n'est pas longue, donc la recherche ne devrait pas être trop difficile." Il renifla. "Tu devrais nettoyer ton bureau, Semos. Ces cendres, ça fait vraiment désordre."
Le maître de l'académie pâlit visiblement. Il avait l'habitude de mener les entretiens, mais sa confiance en lui s'était ébréchée à la mort de Deria. Depuis, il avait l'impression de ne plus être que l'ombre de lui-même. Tout son talent politique, toute son habileté diplomatique semblait avoir disparu. Il plongea son regard dans l'?il unique de Gundron, et réprima un frisson en y décelant une étincelle de malice. Le borgne savait ! Il jouait avec lui, mais il savait !
Ce n'était pas si étonnant, après tout. Il ne devait pas être le seul à avoir des espions à Bertholdton, et le capitaine de la garde de Musheim se devait d'avoir des yeux et des informateurs dans tous les coins et recoins de l'Empire. D'un autre côté, s'il était au courant de ça, alors il n'y avait aucune raison de lui cacher le reste.
Semos se resservit un verre de vin d'une main hésitante
"Il y a eu des? complications" reconnut-il.
Gundron se pencha en avant. Son ?il unique étincelait.
"Oh ? Quel genre de? complications ?"
"Malek. Un garçon brillant. Bon esprit et très bonne lame. Il était probablement très? attaché à Deria, et sa disparition semble l'avoir gravement affecté"
Gundron agita la main avec négligence.
"Un amoureux transi ne devrait pas poser de problèmes. Si nécessaire, j'irai lui parler et lui changer les idées. Autre chose ?"
Semos déglutit.
"A vrai dire, ce Malek est? déjà hors de portée. Cela fait une semaine qu'il a quitté l'Académie"
"Quoi ?" La cicatrice de Gundron vira au rouge alors que le sang affluait à son visage. "Par tous les enfers du nord et d'ailleurs, Semos ! Comment est-ce que tu as pu laisser faire ça ? Tu penses qu'il va parler ?"
Ainsi, Gundron ne savait pas tout. C'était une information intéressante. Semos se mordit la lèvre pensivement. Peut-être n'aurait-il pas dû en parler, dans ce cas. Il avait été convaincu que le borgne était au courant.
"Je sais qu'il va parler" corrigea doucement Semos. "Il est allé me voir, la veille de sa fuite, pour me dire qu'il voulait avertir le père de Deria"
Gundron se rassit lourdement.
"Et tu ne nous as pas prévenu plus tôt? Semos, tu joues avec le feu, tu sais. Si mon maître te pardonne et te laisse la tête sur les épaules, c'est le père de cette gamine qui te la décollera. Proprement. En un coup d'épée. Il viendra pour toi, Semos, sois-en sûr !"
Le maître recula de nouveau d'un pas, jusqu'à ce qu'il heurte la cloison de pierre de sa chambre. Une goutte de sueur perlait à son front, et il l'essuya d'un geste rageur. Il n'allait certainement pas se laisser impressionner aussi facilement. Réunissant son courage, il pointa un doigt furieux vers le borgne narquois.
"Tu ne devrais même pas être ici, et je ne tolérerai pas tes sarcasmes plus longtemps. Cet homme est une antiquité, Gundron. Il est vieux, il est fini ! Peut-être qu'il pourrait me faire peur s'il avait encore vingt ans, mais il en a combien ? Cinquante ? Plus ? Il doit être perclus de rhumatismes.à l'heure qu'il est. Je trouves que tu t'affoles vraiment pour peu de chose"
Comme si les mots possédaient un quelconque pouvoir bénéfique, l'angoisse qui le tenaillait disparut avec son discours. Gundron n'était qu'un lâche pour avoir peur ainsi d'une légende. Non, pas d'une légende? de l'ombre d'une légende.Mais son répit ne dura pas longtemps. Le borgne se leva et contourna le bureau pour aller se planter directement devant lui.
"Six assassins, Semos. Il a tué six guerriers expérimentés qui avaient le bénéfice de la surprise. Tu trouves que c'est là l'action de quelqu'un d'inoffensif ? Il est possible que je m'inquiètes pour rien, en effet. Mais es-tu prêt à en prendre le risque sur ta vie ? Depuis qu'il a pris en main la frontière nord de l'Empire, il a repoussé plus d'invasions barbares que je ne peux en compter, avec sa petite bande de va-nu-pieds, et les vivres et le matériel que l'Empereur accepte de lui fournir. Ca ne m'a certainement pas l'air de quelqu'un que l'on peut prendre à la légère"
"Et quand bien même !" gronda Semos, déterminé à ne plus flancher. "Si jamais il décide de venger, pourquoi s'en prendrait-il à moi ? Ce n'est pas moi qui ai tué sa fille, Gundron. Et je ne suis pas là pour surveiller les allées et venues de tous mes élèves. Si elle a déserté l'académie et s'est faite tuer dans une ruelle sombre, je n'y suis pour rien."
"Il ne sera probablement pas du même avis? Tu étais trop jeune pour le connaître, Semos? mais je te souhaite de ne jamais faire sa connaissance. Il est terrifiant? pas seulement parce qu'il se bat comme un démon, mais parce qu'il raisonne comme un démon également. Pour lui, tu n'as pas su assurer la sécurité de sa fille, tu es donc coupable. Ca ne va pas plus loin que ça"
Semos s'empara de la bouteille d'une main hésitante, et mit quelques temps à se rendre compte qu'elle était vide. Avec écoeurement, il la jeta de côté.
"Qu'il vienne, dans ce cas. Je reste la meilleure lame du royaume, ne l'oublie pas, Gundron. C'est moi qui ai remporté le tournoi, l'an dernier. C'est moi qui t'ai battu. Et je le battrai, lui aussi !"
Il avait espéré remettre le borgne à sa place. Il ne se serait jamais attendu à voir celui-ci éclater de rire.
"Pauvre idiot !" cracha Gundron, le visage figé en une grimace méprisante. "Tu oublies trop rapidement notre marché. Tu m'as payé pour perdre, sale manipulateur. Tu m'as même très bien payé, parce que ça t'arrangeait de voir ta réputation ainsi magnifiée. Toi, la meilleure lame ? Fais-moi rire !"
"J?aime gagner" avoua Semos, un demi-sourire aux lèvres. « Je n?aime pas prendre de risques. Mais je t?aurais battu, avec ou sans cela. Tu n?es plus un aussi bon guerrier qu?autrefois, Gundron. Ton temps a passé. Toutes les vieilles légendes disparaissent"
La tension était palpable dans la pièce, alors que le borgne portait la main à son épée. Un instant, les deux hommes se regardèrent et se jaugèrent. Puis Gundron cracha sur le sol.
"Tu es un abruti, Semios, et toute ta science des armes ne te servira à rien contre ta stupidité."
Il souffla la bougie sur la table, puis sortit de la pièce d?un pas vif.
"Attends !" cria Semios derrière lui.
Gundron se retourna pour lui faire face, et suivit du doigt la cicatrice qui lui fendait le visage.
"La dernière fois que je me suis battu contre cet homme, voilà ce qu?il m?a fait. Souviens-toi, lorsque tu l?affronteras, tu n'auras pas ton or pour truquer le combat?"
La neige tombait doucement sur la petite crique, recouvrant le bateau d'une fine pellicule translucide. Le port lui-même était enfoui sous un épais manteau blanc, et un silence irréel pesait sur la ville. Pas un oiseau, pas un animal, et personne dans les rues. Il n'y avait qu'un autre bateau à quai, une vieille barque à moitié décrépite, et le seul bruit qu'on pouvait entendre était le lent clapotis de l'eau contre la coque. Seule la fumée grise des cheminées, s'élevant droite dans l'air immobile, pouvait donner lieu à croire que l'endroit était habité. Shareen frissonna, et resserra les pans de son manteau contre elle pour se protéger du froid.
"Je n'aime pas cet endroit. Malek, il fait froid !"
Malek secoua la tête. Il avait dû subir les gémissements de la jeune fille durant tout le trajet, et commençait à se demander si c'avait été une si bonne idée de l'emmener. Quoi qu'il en fût, il était trop tard pour faire demi-tour. Le capitaine avançait déjà vers lui, un sourire artificiel aux lèvres. Il attendait d'être payé.
"J'espère que vous avez pu apprécier la rapidité du voyage, Monseigneur" sussura-t-il, s'inclinant bien bas. "Les vents nous ont été favorables, et ma vieille Betsy est capable de donner de la voile comme personne ! Vous vouliez neuf jours, nous avons fait neuf jours"
Malek haussa les épaules. La flagornerie de l'homme l'avait irrité au début du voyage, mais il avait fini par ne plus y prêter attention. Vérifiant du coin de l'?il que Shareen était bien à ses côtés, il porta la main à sa bourse et en extirpa une grosse poignée de pièces d'or. Il en compta trente soigneusement, avant de les laisser tomber dans les mains étendues du capitaine.
"Bravo pour votre rapidité. Maintenant, nous aimerions descendre au sol. Détachez la passerelle !"
"Bien entendu, Monseigneur? Bien entendu !"
Le prix était outrageusement élevé, mais Malek n'avait pas eu le choix. Très peu de navires montaient aussi haut dans le nord, surtout en plein hiver. Il n'y avait pas beaucoup de marchandises à échanger en dehors du bois et des peaux, et ce n'était pas le bon moment pour ce type de négoce. Il avait d'abord proposé dix pièces d'or, mais on lui avait ri au nez. Pour vingt, le capitaine avait accepté de l'écouter. Pour trente, il avait finalement décidé de les prendre à son bord, et de leur céder sa cabine. A bien y réfléchir, Malek se demandait s'il n'avait pas payé un peu trop cher.
Des hennissements effrayés chassèrent ces pensées de son esprit alors qu'un marin leur amenait leurs deux chevaux. Il n'avait pas été sûr d'en trouver à Guisam et avait finalement décidé de les embarquer avec lui. Huit pièces d'or par cheval pour leur passage, payable d'avance. Malek jeta un coup d'?il morne à sa bourse de plus en plus plate. Ce qu'il avait pris pour une grosse somme qui lui permettrait de vivre longtemps diminuait à vue d'?il, entre le coût du voyage, de la nourriture, du fourrage?
"Bon, eh bien quand il faut y aller?"
S'emparant de la bride des deux chevaux, il entreprit de descendre la passerelle et de prendre pied sur le quai. Ses bottes s'enfoncèrent profondément dans la neige, et il sentit l'humidité lui remonter le long de la jambe. Un frisson le parcourut. Il poussa un juron. Shareen se précipita aussitôt à son côté.
"Un problème, Malek ?"
"Les marchands de Musheim sont des voleurs, oui !" gronda-t-il. "De la bonne qualité, ces bottes ? Pah !"
Shareen sourit franchement, rassurée.
"Si ça n'est que ça, ça va." Elle tourna la tête, embrassant la ville d'un seul regard, et se rembrunit. "Comment est-ce que des gens peuvent habiter ici ? Il fait froid, il n'y a pas de route, il n'y a rien. On doit s'ennuyer à mourir. Et comment est-ce qu'ils mangent ? Il y a des choses à cultiver, par ici ?"
Malek haussa les épaules.
"Je ne sais pas, et ça ne m'intéresse pas. De toute façon, nous n'allons pas traîner ici longtemps. En cheval, petite Shareen, dans deux jours, nous serons à Bertholdton !"
La jeune servante s'approcha avec réticence de l'animal qu'il avait choisi pour elle. C'était une belle jument bai, aux jambes fines, mais à la poitrine profonde.
"Malek, elle me regarde bizarrement !"
"Mais non, ne t'inquiètes pas ! Je t'ai pris la jument la plus placide que tu puisses imaginer. Elle n'est pas particulièrement rapide, mais tu ne trouveras pas plus docile dans tout l'Empire ! Elle ne va pas te manger, tu sais?"
"Moi, je sais, mais est-ce qu'elle le sait, elle ?" grommela Shareen. "Bon, comment est-ce qu'on monte sur cette bestiole ?"
Doucement, elle étendit la main pour caresser l'animal. Elle sentait les muscles rouler sous la peau. Malek écarquilla les yeux, puis eut un sourire appréciateur en la voyant s'emparer de l'étrier. La jeune fille était souvent geignarde et peureuse, mais elle avait également du courage. Il voulait s'amuser à ses dépens, mais il changea d'avis et s'approcha d'elle.
"Mets ton pied dans l'étrier. Voilà, comme ça. Tu vois, ça passe tout seul. Maintenant mets ta main gauche sur l'encolure du? non, un peu plus haut. Parfait ! Et maintenant, hisse-toi ! Doucement, ne lui fais pas mal ! Ca n'est pas un objet, non plus !"
Malek resta un instant près de la jeune fille, s'assurant qu'elle ne tomberait pas et qu'elle avait bien passé ses pieds dans les étriers. L'équitation n'avait jamais été son point fort; et elle se mit à gémir doucement lorsqu'ils commencèrent à trotter.
A l'Académie, elle s'était toujours débrouillée pour éviter de s'impliquer dans les leçons d'équitation, mais elle le regrettait désormais. Elle se sentait aussi souple qu'un sac de pommes de terre, et le rythme chaloupé de sa jument lui donnait plus le mal de mer que tout ce qu'elle avait pu ressentir sur le bateau. Déterminée, elle serra les dents. Elle ne se plaindrait pas, quoi que cela lui en coutât. Malek s'occupait d'elle avec une certaine tendresse, mais elle n'avait aucun doute qu'il finirait par s'exaspérer de ses gémissements constants. Aussi serra-t-elle les dents et ravala-t-elle ses protestations.
Le voyage se passa en silence. Malek était habituellement un joyeux compagnon, mais il arborait une grimace soucieuse alors qu'ils avançaient. Le paysage désertique semblait jouer avec ses nerfs, et il se retournait brusquement dès qu'un bruit venait déranger le silence environnant. La route qui reliait Guisam à Bertholdton méritait à peine ce nom. C'était un chemin boueux que le froid rendait verglacé, sur lequel les traces de nombreux chariots restaient visibles. Hors de cette bande de terre, il n'y avait pas grand chose. Le nord était une région froide en été, et l'hiver la rendait presque invivable. Toutes les fermes qu'ils croisaient avaient leurs volets fermés, comme si la population hibernait tranquillement en attendant l'arrivée du printemps. A Musheim, Shareen aurait pu jurer que le printemps n'allait pas tarder. Maintenant qu'elle se trouvait ici, elle n'en était plus aussi sûre. Le froid était mordant et agressif. Plusieurs fois, le vent se prit dans son manteau, sapant le peu de chaleur qu'elle avait pu emmagasiner. Lorsque la lumière commença à diminuer, la température chuta encore un peu. Elle n'aurait pas cru ça possible.
"J'ai froid, Malek" murmura-t-elle finalement, vaincue.
Le jeune homme lui lança un regard vide. Ses lèvres étaient bleues, et la cotte de mailles qu'il portait devait lui rendre le vent encore plus insupportable. Lentement, il fit volter sa monture vers elle.
"Je sais, Shareen, je sais. Il va falloir trouver un endroit pour passer la nuit."
La jeune fille frissonna, et ce n'était pas uniquement dû au froid. Sur le bateau, ils avaient eu la cabine du capitaine. Ici, il n'y avait rien. C'était le début de l'inconnu, le début de l'aventure, et elle commençait à en voir les inconvénients.
"Nous allons dormir à la belle étoile ?"
"C'est pour ça que nous avons pris des couvertures, non ?" sourit le jeune noble. Son sourire était figé, et il avait l'air aussi fatigué qu'elle, mais il refuserait toujours de le montrer. Shareen ne put s'empêcher de hausser un sourcil. Les hommes étaient vraiment tous pareils. Elle-même n'avait certainement pas les mêmes inhibitions à montrer sa faiblesse.
"Tu me promets que nous atteindrons le château demain ? J'ai? j'ai envie de rentrer à Musheim" bredouilla-t-elle.
Il sourit de nouveau, et cette fois-ci, il y avait plus de chaleur sur son visage.
"Je te le promets."
Ils trottèrent encore sur près d'une lieue avant de trouver un refuge convenable. Un énorme rocher, complètement déplacé sur cette terre plate et désolée, coupait suffisamment le vent pour que Malek parvienne à faire partir un feu. Bientôt, de belles flammes s'élevèrent dans l'air glacial. Les deux jeunes gens se rapprochèrent pour profiter de sa chaleur. Shareen se serra plus près de Malek et il ne recula pas. C'était bon de sentir la chaleur d'un corps contre le sien, et c'était encore meilleur de ne plus être en selle à se faire projeter au rythme du cheval. Sous trois épaisseurs de couverture, on pouvait presque se convaincre qu'il faisait bon.
"Merci pour le feu, Malek" murmura Shareen, à moitié assoupie. "Je me sens mieux?"
Le jeune homme ramena ses propres couvertures contre son menton et attendit qu'elle s'endorme avant de fermer les yeux à son tour.
"Pourvu qu'il ne neige pas" murmura-t-il.
Evidemment, il neigea.
Marsh Posté le 03-02-2004 à 21:34:12
J'ai pas encore commence mais je pose mon drapo, ca peut etre sympa
En tout cas rien que les deux dernieres phrases ""Pourvu qu'il ne neige pas" murmura-t-il.
Evidemment, il neigea. " me donnent envie
Marsh Posté le 03-02-2004 à 22:03:53
J'viens de lire l'intro, vivement demain que je puisse lire le reste
J'aime beaucoup
Marsh Posté le 04-02-2004 à 00:57:54
je viens de finir, tjrs aussi prenant : en plus les nouveaux protagonistes ont l'air interessant
la suite, la suite...
Marsh Posté le 04-02-2004 à 01:06:12
je mettais dis que je lirai juste l'intro mais finalement j'ai lu le chapitre I en plus. C'est vraiment excellent
Ton intro m'a totalement accroché, c'est bien ecrit, ça se lit tout seul, sans lourdeur. Franchement je suis fan !
Bon là faut vraiment que j'aille dormir alors que j'ai vraiment envi de lire le chap II mais je me le garde pour demain .
Marsh Posté le 04-02-2004 à 01:30:18
Petit hors-sujet... je ne connais pas très bien le fonctionnement du forum, que signifie un drapeau exactement, et comment est-ce qu'on en met un ?
Marsh Posté le 04-02-2004 à 01:49:16
Grenouille Bleue a écrit : Petit hors-sujet... je ne connais pas très bien le fonctionnement du forum, que signifie un drapeau exactement, et comment est-ce qu'on en met un ? |
Un drapeau évite que le sujet tombe dans les abîmes du forum et pour en mettre un, c'est tout simple : tu tapes .
Marsh Posté le 04-02-2004 à 02:00:23
Bon, je viens de terminer ton introduction. Elle a vraiment beaucoup de qualités : tu réussis à installer tes personnages tout en douceur, sans forcer. En plus, on devine d'emblée les enjeux et le rôle que vont tenir les protagonistes. C'est un très bon incipit .
Maintenant, les critiques. Tu devrais décrire les personnages dès le début : à la fin de l'intro', j'sais toujours pas à quoi ressemblent Deria et Malek, ça freine l'identification . Surtout que t'en accordes une à Shareen et c'est loin d'être l'héroïne de ton roman, me trompe-je ? En plus, ça te permettrait de diversifier les qualificatifs parce que ça crée une certaine redondance de lire plusieurs fois le nom des perso' dans un seul paragraphe.
Autr' chose, c'est quand même très dialogué : t'es sûr que tu veux pas en faire un scénario plutôt ?
Enfin, tu devrais l'envoyer à des éditeurs sans plus attendre. S'ils trouvent que le roman a un potentiel (je sais que le terme est immonde ), ils t'aideront beaucoup mieux que nous, ils sont aussi là pour te conseiller, tu sais...
J'suis pas sûr de lire la suite, pas par manque d'intérêt mais parce que j'ai les yeux fragiles . Et puis de toute manière, le rapport à l'écran n'est pas le même que celui au papier.
Marsh Posté le 04-02-2004 à 02:23:21
drapal
Marsh Posté le 04-02-2004 à 02:28:18
pas tt lu mais je trouve que l'intro in medias res dialoguée fait un peu hardcore...
Le egnre fantasy est assez balisé...
Mais bon je lirai le tt plus tard...
Marsh Posté le 04-02-2004 à 07:46:55
j'ai lu le chapitre 2 et c'est celui qui m'a le plus immergé dans l'histoire, c'est dire si ça commence à être passionant
bon ben... enfin tu sais
c'est ta faute si maintenant on est accro
Marsh Posté le 04-02-2004 à 10:16:48
Alors, pour vous répondre
1. Oui, l'histoire est plutôt axée sur les dialogues. Il faudra peut-être que j'étoffe les paragraphes descriptifs mais, généralement, je préfère introduire les éléments de l'intrigue au travers d'une conversation plutôt que par un passage plus sec.
2. Shareen, loin d'être l'héroine ? Tout se discute
Par contre, je suis d'accord pour les répétitions. C'est un problème que je retrouve plus tard dans le récit. Comment est-ce que je peux appeler Malek ? Malek/Le jeune homme/Le garçon/Le jeune noble... pas très imaginatif, tout ça, et un peu poussif. D'un autre côté, je suis assez surpris de voir que des grands auteurs comme George Martin ne font aucun effort dans ce domaine (la répétition des noms) alors qu'ils ont un vocabulaire riche et précis.
3. Concernant les éditeurs: j'ai fermement l'intention de l'envoyer lorsque je l'aurai corrigé et fluidifié. Vu le temps d'attente pour obtenir une réponse (de 3 à 8 mois d'après quelques conversations), je ne peux pas me permettre d'erreurs. Si je leur envoie quelque chose, je *veux* qu'ils le sélectionnent. Et pour ça, il faut que ce soit bien meilleur que ce que vous lisez en ce moment.
C'est pour ça que j'ai besoin de vos appréciations (et je ne vous remercierai jamais assez ): ça me permet de détecter des lourdeurs que je n'aurais jamais vu seul. Par exemple, essayer d'alléger l'introduction niveau dialogues.
4. Que signifie exactement "in medias res" ? D'après mes vagues notions de latin, ça devrait vouloir dire "dans la chose du centre" donc "au coeur des choses". Tu parles de mon début sauvage en plein dialogue ? Mmh... A voir. Mais je n'ai rien contre bousculer les conventions de la fantasy, tant que c'est aussi minime.
Ca ne vous lasse pas, vous, de voir chaque livre que vous prenez commencer par une description de l'endroit ? Oui, je peux faire ça... mais franchement...
L'Académie se dressait sur les hauteurs de Musheim, haute et flamboyante, comme un gigantesque scarabée accroché à la montagne. Ses murs de brique rouge reflétaient les rayons du soleil, et empêchaient l'oeil inquisiteur d'observer les cadets à l'entraînement. Pour ceux qui tentaient d'en savoir plus, des gardes étaient postés devant les lourdes portes d'acier du bâtiment, et leur expression était sévère.
Pourquoi pas, remarquez.
5. Un grand merci à taftonf qui a eu le courage de lire ces deux premiers chapitres !
Marsh Posté le 04-02-2004 à 10:50:47
Toujours pas eu le temps de lire... pour une fois, j'ai du boulot
Par contre, un petit conseil: avant de le publier comme ça en ligne, dépose-le afin de garantir tes droits sur ce texte.
Y a deux solutions simples :
* la chère mais la plus sûre : l'enveloppe scellée de l'INPI dans laquelle tu mets ton manuscrit.
* la plus économique, mais reconnue par le droit : tu t'expédies à toi-même ton manuscrit par la Poste et tu n'ouvres plus l'enveloppe. Ainsi la date sur le cachet de la Poste peut être utilisée pour faire valoir tes droits.
Marsh Posté le 04-02-2004 à 11:08:01
Justelu la première partie, avec l'héroïne et sa servante. C pas mal mais un remarque : pourquoi faire toujours des héroïnes libérées qui détestent les robes ?
Doit-on renier sa féminité et son narcissisme pour se trouver libérée ? Une héroïne aimant être belle comme tous les êtres humains ordinaires, ca fait moins cliché.
Mais j'ai pas encore lu la suite, donc je m'avance pas plus.
Marsh Posté le 04-02-2004 à 11:30:01
Hop, je réponds sur les deux derniers messages (pour une fois que j'ai un peu de temps au boulot... )
Sur la protection du texte: il est déposé dans une enveloppe Soleau à l'INPI depuis mai 2003 dans sa version brouillon. Entre-temps, j'ai effectué de nombreuses corrections, mais je pense que ce que j'ai protégé suffit pour prouver ma paternité
Sur le caractère de Deria: D'une part, ce n'est pas l'héroine (:p) et d'autre part, la raison pour laquelle elle déteste les robes est une raison d'ordre pratique. Elle se promène toujours avec une épée au côté et raisonne avec un esprit guerrier. Je ne veux pas m'avancer, mais j'ai quelques doutes sur les capacités d'une fille en robe à se battre. Niveau liberté de mouvement, ça n'est pas toujours ça...
Marsh Posté le 04-02-2004 à 11:56:35
Si tu vends le livre pas trop cher je t'en commande un
Marsh Posté le 04-02-2004 à 12:05:19
Grenouille Bleue a écrit : |
Bon ! la prudence est la mère de toutes les vertus.
Vivement la publication chez l'Atalante avec une belle couverture... attends toi à une séance de dédicaces frénétique.
Marsh Posté le 01-02-2004 à 15:25:58
Vous trouverez dans ce sujet un roman écrit au cours de l'année dernière, qui contient - bien évidemment - tous les ingrédients nécessaires pour passer un bon moment. De l'aventure, de l'amour, de la violence, des combats épiques, de la politique, de la manipulation, de la vengeance... bref, ça donne quelque chose d'absolument formidable
Voici la table des matières
Introduction
Chapitre I
Chapitre I de nouveau (erreur de numérotation)
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Chapitre XXI
Chapitre XXII
Chapitre XXIII
Chapitre XXIV
Message édité par Grenouille Bleue le 06-08-2004 à 17:50:37