Le projet de loi DADVSI [Actualité du net] - Actualité - Discussions
MarshPosté le 15-06-2006 à 22:55:28
J'ai pensé bon de vous faire part de cette synstèse réalisé par pcinpact.com car je pense que ca concerne une grande partie des membres Bonne lecture à vous
Si le texte de la loi DADVSI est adopté en l'état, les effets sur la vie quotidienne dans le secteur informatique, de la technique, de la culture ou de la transmission du savoir risquent de ne pas passer inaperçus. Nous avons aussi décidé de faire un point sur certaines des principales dispositions. Un point d'étape non exhaustif qui ne préjuge en rien de l'avenir du projet. Celui-ci peut encore être rediscuté à l'Assemblée nationale si le premier ministre le décidait en bout de course, plutôt que d'opter pour la voie rapide et discrète de la Commissin mixte paritaire. À défaut de modification, voilà quelques grandes lignes de ce qui se cache dans les tréfonds de ce texte.
Citation :
Répression du téléchargement (Article 14 bis ) : c'est l'un des piliers du dispositif, l'objectif est de considérer le monde du P2P comme un no man's land de la copie privée.
Télécharger (download) un titre depuis Internet sans autorisation de l'auteur ou de la maison de disque pourrait donner lieu à une contravention de 1ere classe soit 38 euros d'amende. Celui qui « upload » et met donc à disposition ces fichiers, encourt une contravention de 750 euros. Ces montants sont à confirmer dans un décret, mais promis par Renaud Donnedieu de Vabres. Certains s'attendent néanmoins à les voir monter en flèche.
La mesure a été présentée comme bienveillante par le ministre de la Culture. il est vrai qu'actuellement, celui qui échange un titre sur le net risque 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende (maximale). En réalité, la bienveillance risque de souffrir . 1) jamais cette peine de 300 000 euros n'a été infligée. La peine en pratique tourne autour de 3000 euros. 2) l'exception pour copie privée a plusieurs fois été invoquée par des tribunaux pour considérer que le download n'était pas punissable, contrairement à l'upload. 3) La peine de 38 ou 750 euros pourra s'entendre par infraction. Si bien que nombreux ont l'impression qu'en fait de clémence, le texte rend surtout l'application de la sanction plus accessible pour le magistrat.
Citation :
Mesures techniques de protection (article 7 et suivant) : Le terme plus exact serait mesures techniques de restriction, car il s'agit bien de protéger des situations monopolistiques. Ces MTP sont ces fameux DRM, ces mécanismes de contrôle qui permettent de "protéger" donc limiter la copie et de toute utilisation de l'uvre non désirée par l'émetteur. La mesure inquiète par bien des aspects, et pas seulement lorsque l'on observe ses effets aux États-Unis au travers du sombre DMCA (Affaire DeCSS, du cryptographe Dimitri Sklyarov et les e-book, de Static Control Components vs les cartouches protégées Lexmark, etc.), mais simplement parce qu'elle touche à un noyau dur de l'humanité (voir notre interview de Richard Stallman).
Le problème : qui dit DRM dit automatiquement mesure contrôlant la liberté d'usage d'une uvre, contrôles de la copie, du nombre d'utilisation ou de l'accès, etc. La DRM est une forme d'étiquette incontournable. Elle implique dans son sillage, des mesures de tatouage et de traçage afin de canaliser les usages au millimètre près. Se dessine là sous nos yeux, une nouvelle économie de la restriction où la société qui détient le verrou devient maîtresse de la diffusion du savoir et de la culture. Bien entendu, la mesure de contrôle exige par nature un volet ultra répressif, c'est même l'un des coeurs du système que nous évoquerons plus bas. Avec les DRM, une société décide ainsi que tel CD peut être copiable que deux fois (voire zéro fois), savoir si X a prêté tel fichier à Y, etc. On évoquera rapidement la question de l'insécurité des DRM, tellement bien mise en pratique par l'affaire dite des Rootkits chez Sony BMG aux Etats Unis...
Le fournisseur de verrou maximise son emprise sur l'économie en liant par exemple DRM et lecteurs multimédias et ainsi imiter le succès d'Itunes d'Apple (critiquée outre-Manche)... Il s'assure au final au pire une frustration de l'usager,au mieux de nouvelles rentrées d'argent. Il lui suffit d'abaisser par exemple le nombre de copies possibles, pour gonfler son chiffre d'affaires. Et tout ceci peut finir devant un juteux procès au résultat garanti si l'usager ose contourner le verrou.
Pour couronner le tout, dans le texte de la loi DADVSI, il est expressément prévu que ces mesures pourront être accompagnées de dispositifs de surveillance (« matériels ou logiciels ») afin de traquer « les données émises, traitées ou reçues par les personnes ». Simple précaution : une autorisation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés devra être décrochée avant cette mise en place. Les pessimistes imaginent facilement les traitements à grande échelle cumulés avec un marquage des fichiers, ou la mise en place de filtres chez les FAI et autres mesures du même acabit..
Dans un monde garni de MTP (Mesures Techniques de Protection) l'interopérabilité est menacée. Comment permettre à un usager d'utiliser deux systèmes ensemble et les faire communiquer si l'on autorise l'un et l'autre à se verrouiller ? Cette absence de communication peut même risquer d'entraîner des limitations supplémentaires, indépendantes de celles décidées par le titulaire d'un droit.
A l'Assemblée nationale, il était prévu une mesure rapide pour forcer un éditeur à faciliter l'interopérabilité, question qui se purgeait efficacement en justice. Au Sénat, on a préféré créer une l'Autorité de régulation des mesures techniques. Elle est le passage obligé pour l'éditeur de logiciel, le fabricant de systèmes techniques qui doit la saisir pour tenter « de favoriser ou de susciter une solution de conciliation » en face d'un problème d'interopérabilité.
Attention : il ne s'agit pas de faire sauter les verrous. Au contraire, le demandeur devra même s'engager à préserver « l'efficacité et l'intégrité de la mesure technique, ainsi que le respect des conditions d'accès et d'usage du contenu protégé défini par les titulaires de droits ». Le verrou doit donc rester efficace quel que soit son environnement. Pour éviter tout problème avec certaines licences, il est prévu que la publication du code source et la documentation du logiciel indépendant et interopérant pourra même être interdite si celle-ci a pour effet « de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure technique ». On comprend que la mesure inquiète le monde du Libre, un verrou au code ouvert risque d'être présenté comme moins efficace par rapport à un verrou au code fermé, par les tenants du secret.
Notre Autorité de régulation des mesures techniques sera également chargée de préciser le nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l'exception pour copie privée. Actuellement, aucune limite. Pierre peut copier ce CD de John Coltrane ou de Bjork à sa petite sur ou son grand frère, se faire une copie pour son autoradio (qui a tendance à abîmer les supports) et une autre pour son petit baladeur MP3 ou même sur son disque dur. Sous le règne de la MTP, la major pourra décider de définir ce champ de liberté avec l'aide des MTP.
La décision de l'autorité se fera en fonction du type d'oeuvre (film, musique, etc.) ou de l'objet protégé, des divers modes de communication au public et des possibilités offertes par les techniques de protection disponibles. Bref, tout un panel donnant au dispositif l'aspect d'une véritable usine à gaz. En cas de différend avec un usager (il veut faire 3 copies, on ne lui autorise que 2), ce dernier devra saisir l'Autorité pour se voir autoriser ce clonage supplémentaire. Autant le dire immédiatement : personne, sauf les tatillons procéduriers, ne fera cette démarche.
Pour les autres, les tentatives de contournement par un moyen ou un autre devront être évitées, insiste l'article 14 : jusqu'à 3 750 d'amende attendra celui qui aura « contourné, neutralisé ou supprimé » une MTP, à d'autres fins que la recherche, l'interopérabilité ou la sécurité. La mesure est centrale puisqu'on assiste là à la protection juridique d'une protection technique, qui protège elle même un droit d'auteur déjà protégé juridiquement. Ouf ! Bel empilement de restrictions... Donner des solutions (sur le net, dans la presse, etc.) pour contourner tel verrou sera puni par six mois d'emprisonnement et de 30 000 d'amende, maximum... Attention aux langues trop pendues sur les forums, blogs, sites, chat IRC.
Citation :
Pénalisation des solutions d'échange (P2P, etc.) (Article 12bis et 14 quater): Ce sont les très célèbres amendements Vivendi Universal. Il est d'abord précédé par une sorte d'état civil des « uvres et objets protégés diffusés sous forme numérisée » via un registre accessible librement. Objectif ? Dévoiler quelles sont les uvres protégées, sous la forme d'une liste blanche. « Chacun pourra être pleinement informé sur le caractère licite ou illicite du téléchargement », explique-t-on. Le petit Kevin devra ainsi fouiller la base en question avant de cliquer sur le bouton « Download » de son logiciel favori. On ne connaît pas à ce jour les uvres qui devront être déclarées, cette liste devant être rédigée par les sages du Conseil d'Etat...
S'agissant des logiciels P2P, le texte dit que lorsqu'un logiciel est principalement utilisé pour la mise à disposition de fichiers contrefaits, le président du tribunal de grande instance peut ordonner sous astreinte à l'éditeur de mettre en place une mesure nécessaire à la protection des droits menacés : filtrage, marquage à l'aide de la liste blanche du registre, etc. La mesure sera certes complexe à appliquer aux lointains KazaA ou eMule, mais elle ne vise pas que le P2P comme nous le verrons dans un instant.
Ce filtrage est d'ailleurs épaulé par un volet répressif : trois ans d'emprisonnement et 300 000 d'amende sanctionneront au maximum le fait « d'éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés ». L'échange est considéré comme le pire des maux et devient cible de toutes les attentions pénales. Il ne s'agit pas de soutenir la contrefaçon mais l'arme choisie ici est une menace terrible pour le milieu de la création puisque l'éditeur, tel Mme Irma, devra prévoir les futurs usages de l'outil qu'il est en train de concevoir.
Tout comme le couteau sert à trancher gorge ou pain, veine ou viande, des milliers de logiciels permettent d'échanger une distribution libre comme le dernier des chefs-d'uvre d'Hollywood (chat sur IRC, une messagerie de type MSN ou un logiciel P2P). Faut-il interdire tous les couteaux comme tous ces logiciels sous ce prétexte ? Des éditeurs, utilisent les liens .Torrent pour diffuser leurs créations, d'autres particuliers récupèrent des films via ces liens .Torrent : où ranger BitTorrent ? Du côté sombre ou du côté clair ?
On le voit, la charge de risque sur les logiciels d'échange devient abominablement lourde. Sous sa délicate apparence, la mesure rend pourtant les auteurs responsables des actes commis par les futurs utilisateurs. Comment supporter une telle idée ? D'ailleurs même l'Association des Fournisseurs d'Accès estimait que ceci « menace les fondements du réseau Internet en tant qu'espace d'échanges et plus directement le développement et la qualité de l'accès et des services sur Internet. » (voir notre actualité) Tout sur Internet ou en informatique étant échange, la propagation du risque est telle que ses secousses telluriques frappent toute la création logicielle dès lors qu'il y a possibilité de transfert.
Mais il y a mieux puisque les 300 000 euros d'amende comme les trois années de prison seront également encourus par ceux qui auront « incité sciemment (...) à l'usage d'un logiciel » d'échange. Un laconique conseil tel « Mais télécharge donc le premier Led Zepplin sur eDonkey ! » posté dans un forum sera-t-il assimilé à une mesure d'incitation ? Dans le doute, les administrateurs devront se montrer maîtres du ciseau et de la réactivité pour ne pas s'impliquer à leur tour.
Citation :
Responsabilisation du titulaire de l'abonnement (Article 14 ter) il va être inséré en droit français un nouvel article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle. L'objectif est de rendre responsable le titulaire d'un abonnement en cas d'atteinte aux droits d'auteur commis par son PC par l'un des membres du foyer par exemple. Le texte impose que l'abonné « doive veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits (...) en mettant en oeuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès ». Le filtrage des échanges va benoîtement s'imposer chez M. Tout-le-monde avec le coup de pouce forcé des FAI, afin de permettre un contrôle au rasoir des données échangées sur chaque PC...
Citation :
Rémunération pour copie privée vs MTP (Article 5 bis): dernière point et pas des moindre. Il touche la ponction que paye les consommateurs en contrepartie de la copie privée. Il est prévu par l'article que le montant de la redevance tienne simplement compte du degré d'utilisation des mesures techniques de protection et de leur incidence sur les usages relevant de l'exception pour copie privée. Cette prise en compte sera détaillée plus tard par la Commission de la copie privée, qui a du pain sur la planche. Composée d'association de consommateurs mais également des bénéficiaires de la rémunération (Sorecop et Copie France), ne risque-t-elle pas de jouer là un rôle de juge et partie ? Ces deux organismes tentent actuellement d'imposer la rémunération aux gros disques durs (voir notre actualité) sauront habillement éviter de se tirer une balle dans le pied.
Outre l'arbitrage Assemblée nationale / la commission mixte paritaire qui devrait être décidé sous peu, une dernière étape importante attendra le projet DADVSI : la saisine éventuelle du Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois votées au regard des textes fondateurs, des droits et des libertés fondamentaux. L'avenir sera donc le seul juge des choix présents. Le Conseil dira si ces mesures sont quelque peu liberticides ou mesurées avec tact et concision au regard des impératifs liés à la sauvegarde du droit d'auteur. Au-delà, le jeu des élections fera le reste.
J'espère que ca interressera plus d'une personne étant donné que cette loi sera surement adopté fin juin
Marsh Posté le 15-06-2006 à 22:55:28
J'ai pensé bon de vous faire part de cette synstèse réalisé par pcinpact.com car je pense que ca concerne une grande partie des membres
Bonne lecture à vous
Si le texte de la loi DADVSI est adopté en l'état, les effets sur la vie quotidienne dans le secteur informatique, de la technique, de la culture ou de la transmission du savoir risquent de ne pas passer inaperçus. Nous avons aussi décidé de faire un point sur certaines des principales dispositions. Un point d'étape non exhaustif qui ne préjuge en rien de l'avenir du projet. Celui-ci peut encore être rediscuté à l'Assemblée nationale si le premier ministre le décidait en bout de course, plutôt que d'opter pour la voie rapide et discrète de la Commissin mixte paritaire. À défaut de modification, voilà quelques grandes lignes de ce qui se cache dans les tréfonds de ce texte.
Répression du téléchargement (Article 14 bis ) : c'est l'un des piliers du dispositif, l'objectif est de considérer le monde du P2P comme un no man's land de la copie privée.
Télécharger (download) un titre depuis Internet sans autorisation de l'auteur ou de la maison de disque pourrait donner lieu à une contravention de 1ere classe soit 38 euros d'amende. Celui qui « upload » et met donc à disposition ces fichiers, encourt une contravention de 750 euros. Ces montants sont à confirmer dans un décret, mais promis par Renaud Donnedieu de Vabres. Certains s'attendent néanmoins à les voir monter en flèche.
La mesure a été présentée comme bienveillante par le ministre de la Culture. il est vrai qu'actuellement, celui qui échange un titre sur le net risque 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende (maximale). En réalité, la bienveillance risque de souffrir . 1) jamais cette peine de 300 000 euros n'a été infligée. La peine en pratique tourne autour de 3000 euros. 2) l'exception pour copie privée a plusieurs fois été invoquée par des tribunaux pour considérer que le download n'était pas punissable, contrairement à l'upload. 3) La peine de 38 ou 750 euros pourra s'entendre par infraction. Si bien que nombreux ont l'impression qu'en fait de clémence, le texte rend surtout l'application de la sanction plus accessible pour le magistrat.
Mesures techniques de protection (article 7 et suivant) : Le terme plus exact serait mesures techniques de restriction, car il s'agit bien de protéger des situations monopolistiques. Ces MTP sont ces fameux DRM, ces mécanismes de contrôle qui permettent de "protéger" donc limiter la copie et de toute utilisation de l'uvre non désirée par l'émetteur. La mesure inquiète par bien des aspects, et pas seulement lorsque l'on observe ses effets aux États-Unis au travers du sombre DMCA (Affaire DeCSS, du cryptographe Dimitri Sklyarov et les e-book, de Static Control Components vs les cartouches protégées Lexmark, etc.), mais simplement parce qu'elle touche à un noyau dur de l'humanité (voir notre interview de Richard Stallman).
Le problème : qui dit DRM dit automatiquement mesure contrôlant la liberté d'usage d'une uvre, contrôles de la copie, du nombre d'utilisation ou de l'accès, etc. La DRM est une forme d'étiquette incontournable. Elle implique dans son sillage, des mesures de tatouage et de traçage afin de canaliser les usages au millimètre près. Se dessine là sous nos yeux, une nouvelle économie de la restriction où la société qui détient le verrou devient maîtresse de la diffusion du savoir et de la culture. Bien entendu, la mesure de contrôle exige par nature un volet ultra répressif, c'est même l'un des coeurs du système que nous évoquerons plus bas. Avec les DRM, une société décide ainsi que tel CD peut être copiable que deux fois (voire zéro fois), savoir si X a prêté tel fichier à Y, etc. On évoquera rapidement la question de l'insécurité des DRM, tellement bien mise en pratique par l'affaire dite des Rootkits chez Sony BMG aux Etats Unis...
Le fournisseur de verrou maximise son emprise sur l'économie en liant par exemple DRM et lecteurs multimédias et ainsi imiter le succès d'Itunes d'Apple (critiquée outre-Manche)... Il s'assure au final au pire une frustration de l'usager,au mieux de nouvelles rentrées d'argent. Il lui suffit d'abaisser par exemple le nombre de copies possibles, pour gonfler son chiffre d'affaires. Et tout ceci peut finir devant un juteux procès au résultat garanti si l'usager ose contourner le verrou.
Pour couronner le tout, dans le texte de la loi DADVSI, il est expressément prévu que ces mesures pourront être accompagnées de dispositifs de surveillance (« matériels ou logiciels ») afin de traquer « les données émises, traitées ou reçues par les personnes ». Simple précaution : une autorisation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés devra être décrochée avant cette mise en place. Les pessimistes imaginent facilement les traitements à grande échelle cumulés avec un marquage des fichiers, ou la mise en place de filtres chez les FAI et autres mesures du même acabit..
Dans un monde garni de MTP (Mesures Techniques de Protection) l'interopérabilité est menacée. Comment permettre à un usager d'utiliser deux systèmes ensemble et les faire communiquer si l'on autorise l'un et l'autre à se verrouiller ? Cette absence de communication peut même risquer d'entraîner des limitations supplémentaires, indépendantes de celles décidées par le titulaire d'un droit.
A l'Assemblée nationale, il était prévu une mesure rapide pour forcer un éditeur à faciliter l'interopérabilité, question qui se purgeait efficacement en justice. Au Sénat, on a préféré créer une l'Autorité de régulation des mesures techniques. Elle est le passage obligé pour l'éditeur de logiciel, le fabricant de systèmes techniques qui doit la saisir pour tenter « de favoriser ou de susciter une solution de conciliation » en face d'un problème d'interopérabilité.
Attention : il ne s'agit pas de faire sauter les verrous. Au contraire, le demandeur devra même s'engager à préserver « l'efficacité et l'intégrité de la mesure technique, ainsi que le respect des conditions d'accès et d'usage du contenu protégé défini par les titulaires de droits ». Le verrou doit donc rester efficace quel que soit son environnement. Pour éviter tout problème avec certaines licences, il est prévu que la publication du code source et la documentation du logiciel indépendant et interopérant pourra même être interdite si celle-ci a pour effet « de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure technique ». On comprend que la mesure inquiète le monde du Libre, un verrou au code ouvert risque d'être présenté comme moins efficace par rapport à un verrou au code fermé, par les tenants du secret.
Notre Autorité de régulation des mesures techniques sera également chargée de préciser le nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l'exception pour copie privée. Actuellement, aucune limite. Pierre peut copier ce CD de John Coltrane ou de Bjork à sa petite sur ou son grand frère, se faire une copie pour son autoradio (qui a tendance à abîmer les supports) et une autre pour son petit baladeur MP3 ou même sur son disque dur. Sous le règne de la MTP, la major pourra décider de définir ce champ de liberté avec l'aide des MTP.
La décision de l'autorité se fera en fonction du type d'oeuvre (film, musique, etc.) ou de l'objet protégé, des divers modes de communication au public et des possibilités offertes par les techniques de protection disponibles. Bref, tout un panel donnant au dispositif l'aspect d'une véritable usine à gaz. En cas de différend avec un usager (il veut faire 3 copies, on ne lui autorise que 2), ce dernier devra saisir l'Autorité pour se voir autoriser ce clonage supplémentaire. Autant le dire immédiatement : personne, sauf les tatillons procéduriers, ne fera cette démarche.
Pour les autres, les tentatives de contournement par un moyen ou un autre devront être évitées, insiste l'article 14 : jusqu'à 3 750 d'amende attendra celui qui aura « contourné, neutralisé ou supprimé » une MTP, à d'autres fins que la recherche, l'interopérabilité ou la sécurité. La mesure est centrale puisqu'on assiste là à la protection juridique d'une protection technique, qui protège elle même un droit d'auteur déjà protégé juridiquement. Ouf ! Bel empilement de restrictions... Donner des solutions (sur le net, dans la presse, etc.) pour contourner tel verrou sera puni par six mois d'emprisonnement et de 30 000 d'amende, maximum... Attention aux langues trop pendues sur les forums, blogs, sites, chat IRC.
Pénalisation des solutions d'échange (P2P, etc.) (Article 12bis et 14 quater): Ce sont les très célèbres amendements Vivendi Universal. Il est d'abord précédé par une sorte d'état civil des « uvres et objets protégés diffusés sous forme numérisée » via un registre accessible librement. Objectif ? Dévoiler quelles sont les uvres protégées, sous la forme d'une liste blanche. « Chacun pourra être pleinement informé sur le caractère licite ou illicite du téléchargement », explique-t-on. Le petit Kevin devra ainsi fouiller la base en question avant de cliquer sur le bouton « Download » de son logiciel favori. On ne connaît pas à ce jour les uvres qui devront être déclarées, cette liste devant être rédigée par les sages du Conseil d'Etat...
S'agissant des logiciels P2P, le texte dit que lorsqu'un logiciel est principalement utilisé pour la mise à disposition de fichiers contrefaits, le président du tribunal de grande instance peut ordonner sous astreinte à l'éditeur de mettre en place une mesure nécessaire à la protection des droits menacés : filtrage, marquage à l'aide de la liste blanche du registre, etc. La mesure sera certes complexe à appliquer aux lointains KazaA ou eMule, mais elle ne vise pas que le P2P comme nous le verrons dans un instant.
Ce filtrage est d'ailleurs épaulé par un volet répressif : trois ans d'emprisonnement et 300 000 d'amende sanctionneront au maximum le fait « d'éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés ». L'échange est considéré comme le pire des maux et devient cible de toutes les attentions pénales. Il ne s'agit pas de soutenir la contrefaçon mais l'arme choisie ici est une menace terrible pour le milieu de la création puisque l'éditeur, tel Mme Irma, devra prévoir les futurs usages de l'outil qu'il est en train de concevoir.
Tout comme le couteau sert à trancher gorge ou pain, veine ou viande, des milliers de logiciels permettent d'échanger une distribution libre comme le dernier des chefs-d'uvre d'Hollywood (chat sur IRC, une messagerie de type MSN ou un logiciel P2P). Faut-il interdire tous les couteaux comme tous ces logiciels sous ce prétexte ? Des éditeurs, utilisent les liens .Torrent pour diffuser leurs créations, d'autres particuliers récupèrent des films via ces liens .Torrent : où ranger BitTorrent ? Du côté sombre ou du côté clair ?
On le voit, la charge de risque sur les logiciels d'échange devient abominablement lourde. Sous sa délicate apparence, la mesure rend pourtant les auteurs responsables des actes commis par les futurs utilisateurs. Comment supporter une telle idée ? D'ailleurs même l'Association des Fournisseurs d'Accès estimait que ceci « menace les fondements du réseau Internet en tant qu'espace d'échanges et plus directement le développement et la qualité de l'accès et des services sur Internet. » (voir notre actualité) Tout sur Internet ou en informatique étant échange, la propagation du risque est telle que ses secousses telluriques frappent toute la création logicielle dès lors qu'il y a possibilité de transfert.
Mais il y a mieux puisque les 300 000 euros d'amende comme les trois années de prison seront également encourus par ceux qui auront « incité sciemment (...) à l'usage d'un logiciel » d'échange. Un laconique conseil tel « Mais télécharge donc le premier Led Zepplin sur eDonkey ! » posté dans un forum sera-t-il assimilé à une mesure d'incitation ? Dans le doute, les administrateurs devront se montrer maîtres du ciseau et de la réactivité pour ne pas s'impliquer à leur tour.
Responsabilisation du titulaire de l'abonnement (Article 14 ter) il va être inséré en droit français un nouvel article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle. L'objectif est de rendre responsable le titulaire d'un abonnement en cas d'atteinte aux droits d'auteur commis par son PC par l'un des membres du foyer par exemple. Le texte impose que l'abonné « doive veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits (...) en mettant en oeuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès ». Le filtrage des échanges va benoîtement s'imposer chez M. Tout-le-monde avec le coup de pouce forcé des FAI, afin de permettre un contrôle au rasoir des données échangées sur chaque PC...
Rémunération pour copie privée vs MTP (Article 5 bis): dernière point et pas des moindre. Il touche la ponction que paye les consommateurs en contrepartie de la copie privée. Il est prévu par l'article que le montant de la redevance tienne simplement compte du degré d'utilisation des mesures techniques de protection et de leur incidence sur les usages relevant de l'exception pour copie privée. Cette prise en compte sera détaillée plus tard par la Commission de la copie privée, qui a du pain sur la planche. Composée d'association de consommateurs mais également des bénéficiaires de la rémunération (Sorecop et Copie France), ne risque-t-elle pas de jouer là un rôle de juge et partie ? Ces deux organismes tentent actuellement d'imposer la rémunération aux gros disques durs (voir notre actualité) sauront habillement éviter de se tirer une balle dans le pied.
Outre l'arbitrage Assemblée nationale / la commission mixte paritaire qui devrait être décidé sous peu, une dernière étape importante attendra le projet DADVSI : la saisine éventuelle du Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois votées au regard des textes fondateurs, des droits et des libertés fondamentaux. L'avenir sera donc le seul juge des choix présents. Le Conseil dira si ces mesures sont quelque peu liberticides ou mesurées avec tact et concision au regard des impératifs liés à la sauvegarde du droit d'auteur. Au-delà, le jeu des élections fera le reste.
J'espère que ca interressera plus d'une personne étant donné que cette loi sera surement adopté fin juin
Bonne soirée à tous